Coupes budgétaires: le débat se poursuit dans le canton de Vaud

La réduction des subventions aux hôpitaux vaudois fait réagir. Alors que Rebecca Ruiz défend ces coupes au nom d’un rééquilibrage nécessaire, plusieurs établissements dénoncent un manque de concertation et s’inquiètent pour la continuité des soins.

, 23 juillet 2025 à 14:03
image
Image: RTS, DR
«La nécessité d’une évolution n’est pas un scoop», déclare Rebecca Ruiz (PS), cheffe du Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud, dans les colonnes de «24heures». Ces propos interviennent alors que s’intensifient les débats autour de la décision du Conseil d'État de réduire les subventions aux établissements de santé du canton.
Pour rappel: il y a une dizaine de jours, en pleine période estivale, les hôpitaux vaudois ont reçu un courrier officiel leur annonçant d’importantes coupes budgétaires concernant les prestations d’intérêt général (PIG). Ces baisses pourraient atteindre jusqu’à -20% pour certains établissements. Des réductions que certains, à l’instar des Pôles Santé de la Vallée de Joux (PSVJ) ou du Pays-d’Enhaut, jugent menaçantes pour leur propre existence. Pour le Canton, ces mesures sont néanmoins jugées nécessaires dans un contexte de déficit marqué.

La question du nombre minimum d’interventions

Point central: celui du nombre d’hospitalisations. La position de la conseillère d’État semble claire: «Les hospitalisations baissent, donc [le financement cantonal] devient trop important par rapport aux investissements nécessaires pour mettre les infrastructures hospitalières aux normes.»
Cela implique, selon elle, une meilleure collaboration entre les Pôles et les hôpitaux régionaux de référence, vers lesquels les patients se dirigent désormais davantage. Le débat est ancien: faut-il centraliser certaines prestations afin de garantir la sécurité et la qualité des soins? Si la réponse semble acquise – oui – reste à déterminer quelles prestations, précisément, nécessitent ce transfert.
«Il n’est pas possible d’assurer les mêmes types de prestations partout, explique encore Rebecca Ruiz. D’abord pour des raisons de sécurité, car il faut une taille critique et un nombre d’interventions minimum; ensuite parce que les plateaux techniques coûtent extrêmement cher pour peu de patients.»

L’ambulatoire, également en danger?

La question du maintien des activités ambulatoires suscite un malaise particulier. D’un côté, la cheffe du DSAS affirme que «l’ambulatoire fonctionne bien» au PSVJ. De l’autre, la direction du Pôle indique auprès de Medinside avoir reçu un courrier du Canton évoquant que «ces mesures vont impliquer un arrêt des activités stationnaires et ambulatoires».
Le même courrier précise que «l’ampleur de ces coupes remettrait en cause de manière fondamentale des missions» et qu’il serait «indispensable» d’envisager une restructuration incluant l’arrêt des activités aussi bien stationnaires qu'ambulatoires.
  • Coupes budgétaires pour les hôpitaux vaudois: «On a un sentiment d’injustice profond». Le Pôle Santé Vallée de Joux se voit imposer une coupe budgétaire de plus de 3 millions de francs par le canton. Dans un entretien, ses responsables reviennent sur les possibles conséquences de cette décision.
  • «Si demain on perd cet hôpital, on ne pourra pas garantir la relève». Dans un contexte de baisse des prestations versées aux hôpitaux, les responsables du Pôle Santé Vallée de Joux défendent un modèle de proximité et de soins intégrés, aujourd’hui mis à mal.
Le PSVJ revendique pourtant un positionnement exemplaire sur le virage ambulatoire. Il explique: «On fait plus de chirurgie ambulatoire que dans d'autres établissements, parce qu'on a tout un dispositif communautaire, dans le cadre des soins intégrés. (...) Tout cela coûte moins cher.»
Et d’ajouter, sur un ton critique: «Si l’on voulait se gérer comme une entreprise, on aurait hospitalisé tout le monde: ça coûterait beaucoup plus cher, mais nous, comme établissement, nous serions dans les chiffres noirs. Nous, on a réellement pris ce virage ambulatoire, également voulu par l'État.»

Une concertation contestée

Si Rebecca Ruiz affirme que «des discussions avec les Pôles ont été engagées il y a de nombreux mois», la version livrée par les institutions concernées est toute autre. La direction du PSVJ indiquait récemment à Medinside: «On savait qu’il y aurait des annonces pour l’année 2026, mais en tout cas pas de cette ampleur.»
Selon eux, aucune concertation préalable n’a eu lieu concernant des coupes d’une telle portée. Un point d’autant plus sensible que les soutiens cantonaux représentent, dans certaines régions reculées, plusieurs fois la moyenne cantonale. «En moyenne, le financement par habitant là où il y a un hôpital de la Fédération des hôpitaux vaudois est de 216 francs. La Vallée de Joux est à 908 francs, et le Pays-d’Enhaut à 1393 francs», chiffre Rebecca Ruiz dans «24heures». Pour ces deux établissements, le soutien cantonal représente environ un tiers de leur financement.

Tarification au lieu de subvention: solution ou mirage?

Rebecca Ruiz insiste par ailleurs sur la nécessité d’adapter les modes de financement de certaines tâches. «La Conférence des directeurs de la santé recommande que certaines tâches soient financées par les tarifs et non par les cantons – comme les frais de traduction, par exemple.» Reste à savoir si une telle évolution est réaliste dans un paysage où les négociations avec les caisses maladie restent souvent tendues.
  • politique
  • Canton de Vaud
  • Coupes budgétaires
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Vaud: démission de la cheffe du Département de la santé et de l’action sociale, Rebecca Ruiz

Rebecca Ruiz, cheffe du Département de la santé et de l’action sociale du canton de Vaud, a annoncé sa démission. Elle quittera son poste au printemps 2026.

image

«Je comprends l'impatience des 200'000 infirmières et infirmiers du pays»

Ce week-end, des milliers de soignants manifestaient à Berne pour demander une mise en œuvre effective de l'initiative sur les soins infirmiers. Patrick Hässig, conseiller national PVL et spécialiste des soins infirmiers, était également sur place.

image

Les soignants sortent le carton rouge – plus de 5000 manifestants sur la Place fédérale

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté contre la dégradation des conditions de travail et les retards dans la mise en œuvre de l’initiative sur les soins infirmiers. L’ASI met en garde contre de nouvelles actions de lutte si rien ne bouge.

image

Epic continue de gagner du terrain en Suisse et atteint le canton de Vaud

Le système d’information clinique américain franchit une nouvelle étape en Suisse: il a été choisi pour équiper le CHUV et onze hôpitaux régionaux.

image

Vaud: un crédit largement accepté pour moderniser deux institutions liées au CHUV

Le Grand Conseil vaudois a donné son feu vert à un investissement de près de 67 millions de francs pour offrir un nouveau souffle au Laboratoire antidopage et à l’Institut de radiophysique, aujourd’hui à l’étroit dans des locaux vétustes.

image

Fribourg veut engager son ou sa première infirmière cantonale

La fonction d'infirmier ou d'infirmière cantonale, encore rare en Suisse, pourrait bientôt devenir réalité à Fribourg.

Du même auteur

image

Vers une meilleure prise en charge de la douleur?

Renforcer la communication interprofessionnelle et protéger le temps de consultation sont au cœur du programme PTP des HUG. Une récente étude montre qu'il contribue à améliorer la prise en charge de la douleur chez les patients hospitalisés.

image

Vaccins à ARNm: plusieurs millions de données pour rassurer les sceptiques

Une étude d’ampleur livre des résultats sur la sécurité des vaccins à ARNm contre le Covid-19. Résultat: une baisse significative de la mortalité liée à la maladie, et une surprenante réduction de la mortalité toutes causes confondues.

image

L'UNIGE signe une avancée majeure dans la lutte contre le diabète de type 1

Vivre avec un diabète de type 1 sans dépendre de l’insuline? C’est l’horizon qu’esquisse un consortium européen dirigé par l’Université de Genève, qui présente un pancréas bioartificiel aux résultats prometteurs.