En Suisse, quelque 50'000 personnes vivent avec un diabète de type 1, estime l’association Diabète Suisse. Faute de traitements réellement accessibles pour remplacer les cellules bêta, la plupart restent dépendants d’une insulinothérapie à vie. Pour dépasser ces limites, une équipe internationale coordonnée par l’
Université de Genève (UNIGE) s’est attaquée à un défi de taille: concevoir un pancréas bioartificiel, vascularisé et immunoprotecteur, susceptible d’être transplanté sans immunosuppression, grâce aux progrès récents de l’ingénierie tissulaire.
Le projet, baptisé
«Vanguard», est porté par un consortium multidisciplinaire réunissant neuf partenaires issus de cinq pays: l’UNIGE, Kugelmeiers AG (Zurich), accelopment Schweiz AG, l’Université Claude Bernard Lyon 1 (France), la Ludwig-Maximilians-Universität München (Allemagne), l’Ospedale San Raffaele et l’Università del Piemonte Orientale (Italie), la European Society for Organ Transplantation et l’Erasmus Medical Center de Rotterdam (Pays-Bas).
«Des thérapies indépendantes des donneurs et donneuses»
Après cinq années de recherche, financées à hauteur de 7 millions d'euros, quatre innovations développées par ce consortium ont été distinguées:
- Amniogel: un hydrogel protégeant les cellules transplantées et favorisant la vascularisation.
- Organoïdes d’îlots porcins pré-vascularisés: ils normalisent la glycémie avec la moitié de la dose cellulaire nécessaire aux greffes d’îlots libres – une solution particulièrement pertinente face à la pénurie de donneurs humains.
- Pancréas bioartificiel porcin: il permet de restaurer la normoglycémie chez des souris diabétiques avec des doses cellulaires réduites.
- Pancréas bioartificiel humain: une structure sous-cutanée pré-vascularisée ayant permis d’inverser le diabète dans des modèles précliniques.
«En combinant un biomatériau protecteur avec des amas cellulaires pré-vascularisés, nous avons démontré que des thérapies indépendantes des donneurs et donneuses et protégées contre le système immunitaire sont à portée de main», explique Ekaterine Berishvili, responsable scientifique de Vanguard et professeure à la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui dirige également le Laboratoire d’isolement et de transplantation cellulaire du Service de transplantation des HUG.
Pour la chercheuse, l’enjeu n’est pas seulement technologique: il est éthique. «Les avancées doivent être accessibles – et non exclusives. En 1921, Banting et Best ont découvert l’insuline dans un modeste laboratoire de Toronto, mus par l’urgence, non par la bureaucratie. Banting affirmait: “l’insuline appartient au monde.” Aujourd’hui, notre science est plus forte, mais notre hésitation est plus grande. Avec collaboration et détermination, nous pouvons faire passer les innovations du laboratoire au chevet des patients.»