Entre SMN et la Mayo Clinic: une «co-construction»

Les professeurs Bernier et Matzinger, médecins au sein de Swiss Medical Network, reviennent sur les bénéfices cliniques et scientifiques de l’adhésion au Mayo Clinic Care Network, ainsi que sur la genèse de cette collaboration transatlantique.

, 14 mai 2025 à 23:00
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Professeur Oscar Matzinger (à gauche), directeur médical en radio-oncologie (SMN) et professeur Jacques Bernier, Chief Science Officer (SMN) | Images: Swiss Medical Network, DR
Le groupe de cliniques privées Swiss Medical Network (SMN) vient de franchir une nouvelle étape stratégique: il devient la première institution en Europe à rejoindre le Mayo Clinic Care Network, un réseau international lancé en 2011 par le prestigieux groupe hospitalier américain.
Nous avons enquêté sur les avantages de cette adhésion et sur les modalités de cette collaboration transatlantique. Le Professeur Jacques Bernier, Chief Science Officer chez SMN, et le Professeur Oscar Matzinger, directeur médical en radio-oncologie au sein du groupe, nous expliquent la genèse et les enjeux de ce partenariat.

Un gain d’expertise pour les cas complexes

Pour les deux spécialistes, l’objectif est clair: renforcer le niveau d’expertise de SMN, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique, en particulier pour les cas complexes et les maladies rares.
Matzinger insiste notamment sur l’avantage unique d’accéder à l’expérience de l'institution américaine: «La Mayo Clinic est l’un des plus grands hôpitaux du monde. Dans notre discipline, l’oncologie, ils traitent plus de 130'000 patients par an. Ils disposent de plus de 400 médecins, toutes spécialités confondues, extrêmement spécialisés.» Un volume de patients qui leur confère une expertise rare, précieuse dans les situations complexes. Dans ces cas-là, avoir accès à leur avis est «quelque chose d’absolument exceptionnel.»

Garder une réactivité locale

Toutefois, Matzinger nuance: cette collaboration ne doit pas altérer la réactivité décisionnelle de SMN. «Il ne faudrait surtout pas perdre ça. Il ne s’agit pas, dans l’urgence, de devoir contacter la Mayo Clinic – nos médecins ont déjà cette expérience.»
La collaboration a donc été pensée de manière structurée, pour permettre des échanges rapides en cas de besoin. Bernier évoque quant à lui le service AskMayoExpert: «Ce n’est pas un contact vocal direct, mais des algorithmes intégrés permettent à des jeunes médecins, au point of care – c’est-à-dire au lit du patient ou en consultation – de s’orienter rapidement, tant sur le plan diagnostique que thérapeutique, dans des situations parfois complexes.»

Une démarche de co-construction

Quant à la manière dont le partenariat s’est développé, les deux professeurs parlent d’une «co-construction». «Durant ces deux ans et demi, trois ans de contacts avec la Mayo Clinic, nous avons construit ensemble ce modèle. Ils sont venus avec des bases existantes, mais nous avons pu en discuter, proposer des améliorations», explique Bernier, qui parle d’un processus jalonné de «questionnements réciproques» sur les meilleures façons d’avancer, notamment sur le plan clinique.
Matzinger précise à son tour que les avis sollicités auprès de la Mayo Clinic seront le plus souvent des «avis de deuxième ou de troisième ligne», dans des cas nécessitant une expertise très poussée.

Quel accueil au sein du corps médical?

Du côté du personnel médical, cette nouvelle semble avoir été accueillie avec enthousiasme. «La demande de seconde opinion est de plus en plus fréquente, surtout dans des cas complexes», rapelle Bernier, qui met notamment l'accent sur les attentes des patients. «Or, l’envoi de données et d’images n’est pas toujours simple. Là, tout sera extrêmement sécurisé et uniformisé. Pour les médecins, ce sera un gain de temps.»
Matzinger ajoute que «jusqu’à présent, chacun de nous travaillait avec différents hôpitaux ou universités selon son parcours. Là, avoir un lien direct avec l’un des plus grands hôpitaux mondiaux est très apprécié par l’ensemble du groupe.»

Des contextes cliniques compatibles?

Si certaines divergences liées aux technologies ou aux structures pourraient faire question, Bernier déclare: «Dans des domaines comme la radio-oncologie ou la médecine nucléaire, nous disposons d’équipements de dernière génération, qui n’ont rien à envier à ceux de la Mayo Clinic à Rochester.»
Matzinger conclut en rappelant que SMN conserve toute son autonomie: «Les recommandations de la Mayo Clinic ne sont pas contraignantes. Nous ne sommes pas un satellite.»

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Swiss Medical Network

Le groupe privé de cliniques et de soins de santé Swiss Medical Network gère 21 cliniques réparties dans 15 cantons suisses et dispose d’environ 1'500 lits d’hôpital. Il emploie quelque 4'100 personnes et compte 2'300 médecins dans son réseau. Une soixantaine de centres médicaux ainsi que plus de 20 centres d’ophtalmologie, regroupés sous le nom de Swiss Visio, font également partie de Swiss Medical Network.
Le groupe est détenu à 80% par Aevis Victoria, une société fribourgeoise cotée en bourse, qui exploite également des hôtels de luxe tels que le Victoria-Jungfrau à Interlaken et le Bellevue Palace à Berne.

La Mayo Clinic en 10 points

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La Mayo Clinic à Rochester | Image: Wikimedia Commons
1. Number One. La Mayo Clinic se classe toujours en tête des rapports sur les meilleurs hôpitaux du monde ou des États-Unis. Cette année, elle se hisse à nouveau à la première place du classement «World's Best Hospitals 2025» de «Newsweek». La Mayo Clinic a également décroché la première place dans les sous-catégories de chirurgie cardiaque, cardiologie, endocrinologie, gastroentérologie, neurologie, neurochirurgie et pneumologie, et la deuxième place en orthopédie et en urologie.
2. 75'000 personnes. La Mayo Clinic a vu le jour à Rochester, Minnesota, et trouve ses racines dans les années 1860. Les principaux hôpitaux du groupe se trouvent désormais à Rochester, à Scottsdale (Arizona) et à Jacksonville (Floride). Le groupe emploie actuellement quelque 75'000 personnes et réalise un chiffre d'affaires de près de 20 milliards de dollars. A Rochester, le groupe Mayo gère en outre sa propre université de médecine.
3. À but non lucratif. La Mayo Clinic ne reverse pas de dividendes: elle réinvestit l'intégralité de ses revenus dans la recherche, l'infrastructure et les soins aux patients. En 2024, la Mayo Clinic a dépensé un total de 1,2 milliard de dollars pour la recherche: environ 500 millions provenaient de ses propres revenus, environ 700 millions étaient des fonds de tiers investis dans les centres de recherche Mayo.
4. Avancées médicales majeures. L'établissement a notamment été à l'origine de plusieurs percées, comme la cryocoupe pour l'analyse des tumeurs et la première opération à machine cœur-poumon. En 1969, la Mayo Clinic a réalisé la première opération de remplacement de la hanche aux États-Unis. En 2001, elle a développé, en collaboration avec Roche, un test rapide pour la détection de l'anthrax.
5. Prix Nobel. En 1950, les médecins de la Mayo Clinic Edward Calvin Kendall et Philip S. Hench ont reçu le prix Nobel de médecine pour leurs découvertes sur la cortisone (conjointement avec le chimiste suisse Tadeus Reichstein, qui menait des recherches dans le même domaine).
6. La qualité plutôt que la quantité. Les médecins de la Mayo Clinic sont rémunérés sur une base exclusivement forfaitaire.
7. Soins intégrés. La Mayo Clinic a misé très tôt sur les soins intégrés et s'est attachée à regrouper des spécialistes de différentes disciplines.
8. Centrée sur le patient. La Mayo Clinic cultive une approche centrée sur le patient, comme en témoigne sa devise: «The needs of the patient come first» – une prise en charge globale qui doit également tenir compte de la situation psychique et sociale des patients.
9. Prestataires locaux de soins primaires. En 1992, le groupe a lancé le Mayo Clinic Health System, un réseau de soins primaires qui compte aujourd'hui une centaine de sites dans les zones rurales du Midwest américain.
10. Rayonnement international. La Mayo Clinic se distingue également par ses soins hospitaliers de pointe, un atout qui attire un public international à Rochester. L'établissement propose notamment des services d'interprétation gratuits pour les patients étrangers.

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