Mentionneriez-vous une dépression dans votre DEP?

Épisodes dépressifs, maladies sexuellement transmissibles et autres maladies omises: une expérience menée en Allemagne révèle une des faiblesses du dossier électronique du patient.

, 31 décembre 2024 à 14:19
dernière mise à jour le 31 mars 2025 à 09:34
image
Les limites du DEP: beaucoup y croient – mais tous ne s'y fient pas | Image symbolique générée par IA: Medinside.
Ainsi en va-t-il du dossier électronique du patient (DEP): beaucoup de gens le trouvent formidable, disent-ils. Mais lorsqu'il s'agit de l'utiliser, ils préfèrent souvent s'abstenir.
Deux chercheurs en sciences du travail de l'Université technique de Berlin se sont récemment confrontés à une contradiction similaire: remplir le DEP? Avec plaisir. Mais y inscrire tous mes soucis de santé? Mieux vaut s'abstenir.
Concrètement, Niklas von Kalckreuth et Markus A. Feufel ont constaté que, même dans un contexte de vie numérique, les maladies jugées honteuses ont tendance à être dissimulées et donc à ne pas figurer dans le DEP. Cela peut entraîner un biais dans les dossiers de nombreux patients, un phénomène dont les professionnels de santé devraient être conscients.
Pour appuyer leurs observations, les chercheurs de l'Université technique de Berlin ont mené une petite expérience. Ils ont demandé à 241 participants s'ils inscriraient certaines maladies dans leur DEP (diabète de type 1, diabète de type 2, fracture du poignet, dépression, gonorrhée, etc.).
Ces maladies comprenaient des troubles aigus et des affections chroniques. Sur ce point, aucun écart notable n’a été observé: la «propension à remplir le dossier» était comparable.
En revanche, un écart significatif a été relevé entre les participants devant inscrire des maladies perçues comme stigmatisantes (comme la gonorrhée) et ceux confrontés à des problèmes considérés comme neutres sur le plan social (par exemple, une fracture du poignet).
Ainsi, 93% des patients diagnostiqués diabétiques de type 1 ont inscrit leur diagnostic dans leur DEP. Ce taux descendait à 85% pour une fracture du poignet. En revanche, les taux étaient nettement inférieurs pour des affections comme la gonorrhée (67%) et surtout la dépression (55%).
La prudence semble donc primer lorsqu’il s’agit de diagnostics susceptibles d’avoir des répercussions sur la vie professionnelle ou la réputation.

Une question de sécurité

Quelles en sont les conséquences? Niklas von Kalckreuth et Markus A. Feufel relèvent avant tout une méfiance généralisée: pourquoi cherche-t-on à dissimuler une maladie sexuellement transmissible dans le DEP? Parce que l’on craint que des personnes non autorisées en prennent connaissance.
Et pourquoi cette crainte? Parce que la confiance dans la sécurité des données est faible. L’expérience berlinoise a mis en lumière une perception de fragilité des systèmes de protection.
Cela pourrait aussi expliquer pourquoi trois personnes sur quatre en Allemagne déclarent vouloir disposer d’un dossier médical électronique, mais que presque personne ne l’utilise ensuite.
«Bien que les patients aient généralement l’intention d’utiliser le DEP, leur perception du risque, en particulier en ce qui concerne les maladies associées à une stigmatisation sociale, peut les dissuader de transférer les rapports médicaux correspondants dans le DEP», conclut l’étude. Elle souligne également que «pour garantir une utilisation fiable de cette technologie clé dans un système de santé numérisé, il est indispensable de fournir des informations transparentes et facilement compréhensibles sur les normes de sécurité du DEP, y compris aux personnes généralement favorables à son utilisation».
  • tendances
  • Dossier Electronique du Patient
  • Cybersanté
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Genève: un campus à un milliard de francs pour la vie de demain

Un projet de santé ambitieux est en cours à Meyrin, près de Genève: il comprendra une douzaine de nouveaux bâtiments et 150'000 mètres carrés de surface.

image

Viktor Award 2024: les gagnants

Les lauréats du Viktor Award 2024 ont été désignés – découvrez qui sont les personnes récompensées.

image

Nutri-Score: 350 professionnels de santé interpellent Migros

Alors que 43% de la population suisse est en surpoids ou obèse, Migros retirait récemment le nutri-score de ses emballages, une décision qui alarme professionnels de santé et associations de consommateurs.

image

Cybersanté: la Suisse pourrait économiser plusieurs milliards

L’eHealth pourrait améliorer l’efficacité du système de santé suisse et générer d’importantes économies. Pourtant, des procédures d’autorisation longues et complexes freinent son adoption, alertent des chercheurs de l’ETH Zurich.

image

DEP: tournant technologique en Suisse romande

La Poste résilie le contrat du dossier électronique du patient avec Cara. Cette association de numérisation, qui regroupe cinq cantons romands, doit désormais réorganiser le service pour 30'000 utilisateurs.

image

Les mégots de cigarettes, vecteur de germes résistants

En se retrouvant dans les eaux, les filtres de cigarettes peuvent y propager des germes pathogènes et des bactéries résistantes aux antibiotiques, révèle une étude.

Du même auteur

image

Changement de carrière: une obligation de remboursement pour les médecins?

Deux professeurs de médecine proposent des sanctions pour les médecins abandonnant ou réduisant leur activité professionnelle dès la fin de leurs études. Leur thèse: les places d'études ne manquent pas, c'est la contrainte qui fait défaut.

image

Les tarifs des laboratoires restent l'affaire de la Confédération

L'espoir d'une plus grande concurrence dans les tarifs des laboratoires médicaux s'est envolé: le Parlement maintient le système de prix fixé par l'Etat.

image

«Agir, maintenant»: les hôpitaux veulent une réforme des tarifs

L’association faîtière des hôpitaux H+ tire la sonnette d’alarme: sans compensation du renchérissement dans les tarifs, l’approvisionnement en soins risque de se déséquilibrer. Une initiative cantonale entend corriger le tir – mais suscite des résistances.