Test sanguin pour détecter Alzheimer: avancée médicale ou casse-tête éthique?

Un nouveau test sanguin pour détecter la maladie d’Alzheimer devrait bientôt être disponible en Suisse. Le corps médical s’inquiète déjà des répercussions de cette innovation.

, 23 juillet 2025 à 23:00
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Un simple test sanguin effectué chez son généraliste – ici un cabinet Medix – devrait, à l'avenir, permettre de diagnostiquer la maladie d'Alzheimer | Image: Medix
Le test sanguin développé par Roche pour détecter la maladie d'Alzheimer vient d’obtenir l’autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne. La Suisse devrait suivre prochainement. À l’avenir, une simple prise de sang chez le médecin de famille pourrait suffire à «exclure la maladie d’Alzheimer comme cause du déclin cognitif, en combinaison avec d’autres informations cliniques», annonce Roche dans un communiqué. Cette méthode permettrait ainsi d’éviter des examens plus invasifs pour les patients présentant un résultat négatif.
Avantage non négligeable: ce test permet de détecter les dépôts pathologiques de protéines dans le cerveau sans intervention invasive. Selon Roche, les médecins généralistes pourront à terme l’utiliser chez des patients présentant divers signes de déclin cognitif. Plusieurs études indiquent que cette méthode serait aussi fiable qu’une ponction lombaire pour repérer les signes de la maladie d’Alzheimer.

De nombreux patients veulent faire un test

Cependant, la généralisation de ce diagnostic simple par les médecins de famille, comme le souhaite Roche, pourrait avoir des effets indésirables:
La forte demande, y compris de la part de personnes en bonne santé, risque de saturer les cabinets médicaux. Irene Bopp-Kistler, spécialiste de la démence, expliquait ce matin sur la radio «SRF» que plusieurs patients s’étaient déjà présentés dans son cabinet pour effectuer ce test. Beaucoup souhaitent savoir s’ils développeront un jour la maladie d’Alzheimer. Or, le test n’est pas conçu pour faire des pronostics, rappelle-t-elle.
Après le diagnostic, la charge mentale: Bogdan Draganski, médecin-chef de la clinique de la mémoire de Berne, a lui aussi exprimé ses réserves sur «SRF». «Ce test pourrait submerger les patients. Nous ne pouvons pas diagnostiquer la maladie avec certitude, mais les gens devront ensuite gérer seuls les résultats.» D’autant plus qu’il n’existe à ce jour aucun traitement dont l’efficacité soit pleinement démontrée.

Que se passe-t-il après un test positif?

Les médecins aussi sont dépassés: les médecins pourraient eux aussi se retrouver en difficulté face à des résultats positifs, en raison du manque d’options thérapeutiques. Leqembi, un médicament produit par Biogen et Eisai à base de lecanemab, n’est autorisé en Europe que pour les formes précoces de la maladie. En Suisse, ce traitement controversé est encore en cours d’évaluation.
Des coûts supplémentaires pour les caisses maladie: interrogée par Medinside, l'association des caisses maladie Prioswiss n'a pas encore pu se prononcer sur les conséquences financières de ce nouveau test sanguin. Selon le «Berner Zeitung», le psychiatre Julius Popp, qui dirige le centre des troubles de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer de la clinique Hirslanden à Zurich et est professeur à l'université de Zurich, s'attend même à ce que les coûts pour les caisses soient, en fin de compte, moins élevés, en raison de l'abandon de méthodes d'examen plus coûteuses. En outre, un dépistage plus précoce de la maladie d'Alzheimer pourrait permettre d'économiser sur les dépenses en soins.
Une charge de travail accrue pour les généralistes: Julius Popp élabore, avec ses collègues, des recommandations et des formations à destination des médecins de famille. Ceux-ci devront à l’avenir être capables d’interpréter les résultats des tests et de prendre en charge les patients présentant une forme précoce d’Alzheimer ou d’autres types de démence. Faute de quoi, il craint une surcharge des centres spécialisés et des cabinets de neurologie, avec une hausse des coûts à la clé.
Les médecins confrontés à un cas de conscience: le recours à ce test soulève également des questions de déontologie. Il pourrait placer les médecins face au droit du patient à ne pas savoir. Faut-il proposer ce test à quelqu’un sans symptômes, au risque de le plonger dans l’angoisse en cas de résultat positif? Irene Bopp se montre prudente: «Je ne recommanderais pas ce test à une personne asymptomatique.»
Des compagnies d'assurance intéressées: un résultat positif au test pourrait avoir de graves conséquences financières pour les personnes concernées. Les compagnies d'assurance pourraient en effet être tentées d'augmenter les primes ou de refuser de couvrir certaines prestations.
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