L’activité physique peut ralentir la progression d’une maladie d’Alzheimer naissante, même à un niveau modéré. C’est ce que montre une nouvelle étude observationnelle de la Harvard Aging Brain Study, publiée dans «Nature Medicine».
L’équipe de recherche dirigée par Wai-Ying Wendy Yau a suivi 296 personnes âgées pendant 14 ans. Si tous les participants présentaient initialement des capacités cognitives normales, environ un tiers d’entre eux affichaient un taux élevé de bêta-amyloïde, un signe précurseur de la maladie d’Alzheimer.
Les chercheurs ont enregistré, durant une semaine, le nombre de pas effectués quotidiennement par chaque participant à l’aide d’un podomètre.
Résultat
- Un bénéfice était observable dès 3'000 pas par jour.
- Marcher entre 5'000 et 7'500 pas par jour était associé à une diminution des dépôts de protéine Tau dans le cerveau, ces agrégats protéiques liés au déclin cognitif observé chez les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
- Au-delà de ce seuil, l’activité physique n’apportait aucun bénéfice supplémentaire, l’effet atteignant un plateau.
«Cette étude montre, pour la première fois, que l’activité physique a un effet chez les personnes présentant déjà des modifications cérébrales typiques de la maladie d’Alzheimer. L’activité physique semble ralentir la progression de ces modifications au fil des ans et préserver les capacités mentales», commente Emrah Düzel, directrice de l’Institut de neurologie cognitive et de recherche sur la démence de l’hôpital universitaire de Magdebourg, dans une déclaration au Science Media Center.
L'activité physique pour protéger le cerveau
Selon les chercheurs, cet effet n’était pas dû à une diminution de la charge amyloïde. L’activité physique a plutôt ralenti l’augmentation des protéines Tau dans les lobes temporaux, une zone touchée particulièrement tôt par la maladie d’Alzheimer.
«Les personnes se promenant davantage au début de l’étude – mesuré objectivement par leur nombre de pas quotidiens – ont présenté un ralentissement du déclin cognitif et une diminution moindre des fonctions quotidiennes sur une période pouvant aller jusqu’à 14 ans», explique Iris Blotenberg (Centre allemand pour les maladies neurodégénératives, DZNE) à la demande du Science Media Center. L’analyse présente un intérêt particulier, car elle tient compte des mécanismes biologiques sous-jacents de la maladie d’Alzheimer, précise encore la chercheuse.
Les mécanismes en jeu ne sont pas encore clairement établis, estiment les experts, mais plusieurs processus biologiques semblent prometteurs : amélioration de la circulation sanguine cérébrale, réduction de l’activité inflammatoire, et augmentation des facteurs de croissance neuronale.
D’une part, l’activité physique stimule les capacités cognitives: «Les personnes doivent se déplacer, s’orienter et interagir avec leur environnement», explique Düzel. D’autre part, elle agit favorablement sur la santé cardiovasculaire. De plus, une activité physique accrue favorise la libération de facteurs de croissance et de protection sanguins, poursuit Düzel: «Ceux-ci ont un effet positif sur le cerveau et pourraient ainsi ralentir la propagation de la protéine Tau.»
Un objectif réaliste
Si les spécialistes ne voient pas dans cette étude une preuve de causalité, ils y trouvent toutefois des indices clairs d’une corrélation. «Cette étude est l’une des premières à suivre cette approche en utilisant des données objectives mesurant l’activité physique. Elle montre que l’effet positif optimal est déjà atteint entre 5'000 et 7'500 pas», explique René Thyrian (DZNE) au Science Media Center.
Rieke Trumpf (Université du sport de Cologne) soutient également cette recommandation: «Une valeur indicative d’environ 5'000 à 7'500 pas par jour pour les personnes âgées auparavant inactives est réaliste et facile à faire accepter – en tant que ligne directrice pragmatique, et non comme prescription individuelle.»
Alors que de nouveaux traitements par anticorps tels que lecanemab et donanemab permettent pour la première fois d’influencer l’évolution de la maladie, l’activité physique demeure une «stratégie de prévention accessible et peu risquée», souligne Steffi Riedel-Heller, directrice de l’Institut de médecine sociale, de médecine du travail et de santé publique de l’hôpital universitaire de Leipzig. «Chaque pas compte, et il n’est jamais trop tard pour faire travailler son cerveau», conclut-elle.