Quand médecins et hôpitaux sont la cible de fausses évaluations

Les fausses évaluations se multiplient et peuvent gravement nuire aux cabinets médicaux et aux hôpitaux. Mais qui est réellement responsable? L'avocate Sandra Hanhart fait le point sur la responsabilité des plateformes.

, 11 février 2025 à 05:00
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Image: DR
Tout commence avec une seule évaluation. «Traitement inhumain – plus jamais!», accompagnée d’une étoile sur Google. Un patient potentiel la découvre et décide de ne pas prendre rendez-vous.
Dans les jours qui suivent, d'autres commentaires négatifs du même type apparaissent. Le cabinet médical concerné s’interroge: qui se cache réellement derrière tout cela? Un patient insatisfait? Un ancien employé? Un concurrent?
Les fausses évaluations risquent de nuire gravement à la réputation des médecins et des établissements de santé. «Trois personnes sur quatre consultent les avis en ligne avant de prendre une décision», explique l'avocate zurichoise Sandra Hanhart.
«Tout établissement de santé répertorié sur Google Maps peut faire l'objet d'une évaluation, que l'avis soit véridique ou non.»
À quelle fréquence ce problème survient-il réellement et dans quelle mesure est-il difficile d'y remédier? «Il n'existe pas de données chiffrées concrètes sur la propagation des fausses évaluations dans le secteur de la santé», explique Hanhart. Mais il est indéniable que ce problème existe.
L'association faîtière Gastrosuisse a mené une enquête en 2024 et constaté que 80% des établissements du secteur de la restauration ont déjà été touchés par des évaluations falsifiées.

 


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Image: Hanhart Law, DR

Sandra Hanhart

Avocate au sein du cabinet Hanhart Law
Ses domaines de spécialité couvrent le droit des médias, des biens immatériels, l'informatique et la protection des données. Elle représente FAKE*away, un groupement d'avocats spécialisés dans les médias qui œuvrent pour mettre un terme aux évaluations en ligne frauduleuses en Suisse.

Un établissement de santé devient une cible potentielle dès qu'il s'enregistre sur Google Maps. La plateforme d'évaluation des emplois Kununu s'avère particulièrement déterminante pour les grands établissements de santé. Trustpilot, quant à lui, est une autre plateforme où sont évalués les prestataires de santé les plus divers, de la physiothérapie à la chirurgie dentaire.
Sur la plupart de ces plateformes, il est impossible de désactiver les avis.
L'une des principales raisons pour lesquelles de fausses évaluations sont publiées est l'absence de vérification de l'identité sur ces sites. «Les évaluations peuvent être anonymes ou réalisées sous pseudonyme. En règle générale, les plateformes d'évaluation ne vérifient pas l'identité des auteurs», explique Hanhart.
«Une clinique a été accusée à plusieurs reprises d'être responsable de la mort d'un enfant de deux ans et demi à la suite d'une thérapie erronée. En réalité, le traitement dispensé par la clinique n'avait rien à voir avec le décès.»
Les risques d’abus sont considérables: «Il peut s'agir d'anciens collaborateurs qui veulent se venger, de concurrents qui souhaitent nuire de manière ciblée, voire de criminels qui exigent le paiement d'une somme d'argent pour faire disparaître des évaluations négatives.»
En Allemagne, il existe déjà des dispositions légales claires: les plateformes sont tenues d'engager une procédure de vérification et d'apporter la preuve de la véracité d'une évaluation après un signalement concret. Si elles ne peuvent pas le faire, les évaluations doivent être supprimées, explique Hanhart. «Il y a encore peu de décisions de justice à ce sujet en Suisse, pourtant la situation juridique est similaire.» Ainsi, selon le Code civil, les plateformes deviennent légalement responsables de toute évaluation illicite qui n'est pas supprimée après signalement.

Une menace existentielle

Les fausses évaluations n'ont pas seulement des répercussions sur la confiance des patients, mais aussi sur la réputation de l'établissement auprès de collègues spécialistes et de collaborateurs potentiels.
Un cas particulièrement flagrant montre à quel point de fausses accusations peuvent menacer l'existence d'un établissement: «Une clinique a été accusée à plusieurs reprises d'être responsable de la mort d'un enfant de deux ans et demi à la suite d'une thérapie erronée. En réalité, le traitement dispensé par la clinique n'avait rien à voir avec le décès et aucun contact correspondant avec le patient n'avait été établi.» Pourtant, le commentaire est resté en ligne et a continué de circuler. Ce n'est qu'après une injonction du tribunal compétent que la plateforme a finalement supprimé les évaluations.

Suppression?

Supprimer de fausses évaluations s'avère souvent plus difficile qu'il n'y paraît. «Si un signalement est rédigé de manière professionnelle dès le départ et étayé par des arguments expliquant en quoi une violation du droit est en cause, une suppression définitive peut généralement être obtenue dans un délai très court», explique Hanhart.
Les chances de succès d'une procédure judiciaire en Suisse varient toutefois en fonction des cas spécifiques. En principe, si les faits relatés dans l'évaluation sont faux ou trompeurs, les chances de voir l'évaluation supprimée dans le cadre d'une procédure judiciaire sont généralement bonnes.

Que peuvent faire médecins et hôpitaux?

Principale conclusion pour les parties concernées: il ne faut laisser passer aucune fausse évaluation sans réagir.
  • «Les plateformes sont tenues par la loi de supprimer les affirmations mensongères, mais elles ne le font souvent que sous la pression», souligne Hanhart.
  • Il est donc crucial d'agir à temps, selon elle. Les établissements de santé devraient surveiller régulièrement les évaluations en ligne et réagir rapidement en cas d'allégations mensongères.
  • L'avocate conseille également de faire appel à un soutien professionnel pour les questions juridiques: «Supprimer une évaluation falsifiée permet souvent d'éviter des dommages plus importants. L'expérience montre que les entreprises qui s'y opposent activement sont mieux protégées à long terme.»

FAKE*away est un groupement d'avocats spécialisés qui s'engage depuis cinq ans déjà pour la suppression de fausses évaluations en Allemagne. Le réseau s'étend désormais à la Suisse et à l'Autriche.

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