Médecins libéraux: une pénurie qui ne va pas en s'arrangeant

L’Union suisse des professions libérales a cherché, pour la première fois, à quantifier l'ampleur de la pénurie de personnel qualifié: 70% des professionnels libéraux, dont les médecins, considèrent ce manque comme un enjeu majeur.

, 28 octobre 2025 à 16:07
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Image symbolique: Etactics Inc / Unsplash
La pénurie de personnel qualifié n’épargne plus personne: du secteur hospitalier aux cabinets privés, toutes les professions de santé sont concernées. Une étude mandatée par l’Union suisse des professions libérales (USPL) confirme l’ampleur du phénomène, désormais considéré comme l’un des défis majeurs du secteur.
Menée entre avril et juin 2025 par le bureau BSS Volkswirtschaftliche Beratung AG, elle s’appuie sur 3'655 réponses issues de 18 associations professionnelles.

Difficulté à pourvoir les postes

Les résultats sont sans appel: plus de la moitié des postes vacants dans les professions libérales de la santé restent inoccupés pendant plus de six mois. À titre de comparaison, la durée moyenne d’une vacance dans l’économie suisse n’est que de 43 jours.
Près de 70% des répondants estiment que cette pénurie devrait perdurer, voire s’aggraver, au cours des douze prochains mois. Beaucoup pointent le manque de diplômés en médecine: selon eux, la formation ne produit pas assez de jeunes professionnels pour répondre à la demande, tandis que plus de la moitié anticipent des difficultés à assurer la succession de leur cabinet.
Les entretiens menés avec des étudiants en médecine apportent toutefois un autre éclairage. Si ces derniers reconnaissent la réalité du manque de personnel, ils évoquent surtout des obstacles structurels en début de carrière – notamment des postes attribués plusieurs années à l’avance, rendant l’entrée sur le marché du travail particulièrement difficile.

Impact sur la charge de travail

La pénurie de professionnels de santé est source de nombreux défis pour les cabinets: pression accrue, situations de stress important, préoccupations ou encore extension des délais d'attente pour les patients impactent, in fine, l'attractivité de l'exercice libéral.
Selon plusieurs professionnels interrogés, le manque de personnel qualifié serait parfois comblé dans les établissements hospitaliers publics par des stagiaires sous-payés – provoquant mécontentement au sein des équipes et augmentant le risque d’erreurs. Dans les petites structures indépendantes, la répartition de la charge de travail serait, au contraire, souvent difficile, accentuant la pression sur chacun.
Cette surcharge contribue directement à l’un des principaux facteurs aggravants de la pénurie selon les répondants: le déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée.

La viabilité d'un cabinet en question

Si l’exercice indépendant reste perçu comme épanouissant sur le plan professionnel, il devient, d'après les professionnels interrogés, de plus en plus difficile à soutenir sur les plans structurel et économique. Les tarifs jugés insuffisants, la hausse des coûts et la lourdeur administrative fragiliseraient la rentabilité des cabinets médicaux.
Selon l'étude, ces contraintes décourageraient de nombreux jeunes praticiens de s'installer à leur compte. «En raison de l'augmentation des tâches administratives, des prescriptions d'hygiène parfois inutiles et de la loi sur les produits thérapeutiques peu utile en ce qui concerne la remise des médicaments, ainsi que de la baisse des tarifs et de l'extrême augmentation simultanée des coûts des accessoires et des objets à usage unique, de l'augmentation des frais de personnel, de la pénurie de personnel qualifié au niveau des assistantes médicales, il n'est pas intéressant pour les jeunes collègues de prendre le risque de s'installer à leur compte», témoigne un médecin.

Renforcer l'attractivité de la profession

Pour une part importante des professionnels interrogés, la réduction de la charge administrative est une des mesures les plus urgente à mettre en œuvre afin d'enrayer la pénurie de personnel qualifié. Près d’un quart d’entre eux la citent comme une priorité absolue. Suivent ensuite les incitations financières et des conditions de travail plus attractives.
De leur côté, les étudiants en médecine voient dans la numérisation et l’intelligence artificielle un levier prometteur pour simplifier les tâches administratives et redonner du temps au contact avec les patients. Ils défendent également des modèles de travail plus flexibles, qu'ils estiment essentiels pour fidéliser la relève.
L’USPL appelle dès lors à l'adoption de mesures concrètes telles que la hausse des places de formation, la revalorisation des tarifs, une digitalisation accrue des processus ou encore des offres de garde d’enfants adaptées aux horaires des professionnels de santé.
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