En matière d’accès à l’innovation pharmaceutique, la Suisse se positionne au 7e rang européen. Pour ce qui concerne les médicaments destinés au traitement des maladies rares, elle occupe même la 9e place.
C’est ce que montre le dernier rapport «EFPIA Patients W.A.I.T. Indicator 2024 Survey», publié par l’institut IQVIA. Par rapport à l’année précédente, la Suisse recule d’une place en ce qui concerne l’accès aux nouveaux médicaments innovants, se situant désormais entre la Belgique et la Bulgarie. L’Allemagne, quant à elle, reste en tête du classement.
L’étude tient compte des médicaments innovants ayant reçu une autorisation de l’EMA (Agence européenne des médicaments) entre 2020 et 2023. Elle examine leur disponibilité dans chaque pays: qu’ils soient entièrement ou partiellement accessibles, uniquement via achat privé, ou non accessibles. Ainsi, 90% des traitements évalués étaient intégralement disponibles en Allemagne, contre 47% en Suisse.
«Une patiente de Kreuzlingen a deux fois moins d’options thérapeutiques qu’une patiente de Constance», a résumé René Buholzer, directeur d’Interpharma, lors de la présentation des résultats à Zurich.
Deux domaines à coût élevé sont particulièrement concernés: l’oncologie, où le recul est significatif, et les traitements contre les maladies rares. Dans ce dernier domaine, seuls un tiers des médicaments disponibles en Allemagne sont remboursés en Suisse.
«Si on m'avait dit il y a sept ans que la Suisse arriverait pratiquement au même niveau que la Bulgarie, je ne l'aurais pas cru.»
Ces résultats ont conduit plusieurs représentants de l’industrie pharmaceutique à plaider en faveur d’une réforme du système suisse d’autorisation et de fixation des prix.
L’un des points critiqués concerne la procédure d’inscription des médicaments sur la liste des spécialités, qui conditionne leur remboursement par les caisses maladie. Sabine Bruckner (Pfizer Suisse), Katharina Gasser (Roche), Florian Saur (AstraZeneca), David Traub (Novartis) et Anne Mette Wiis Vogelsang (Novo Nordisk) ont exprimé à Zurich leur inquiétude face à ce qu’ils estiment être un système obsolète, parfois arbitraire.
«Si on m’avait dit il y a sept ans que la Suisse arriverait pratiquement au même niveau que la Bulgarie, je ne l’aurais pas cru», a commenté René Buholzer. La Bulgarie reste, selon lui, le pays le plus défavorisé de l’Union européenne dans ce domaine. «Voir d'autres pays nous dépasser en ce qui concerne les médicaments développés dans notre pays est particulièrement douloureux», a déclaré de son côté Katharina Gasser.
Les critiques ciblent notamment l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), en charge de fixer les montants pris en charge.
Un accès restreint à certains traitements
David Traub (Novartis) a cité l’exemple d’un traitement anticancéreux approuvé dans le cadre d’une procédure accélérée par Swissmedic, mais dont le prix a été comparé à celui d’un traitement standard vieux de vingt ans. Son accès reste limité en Suisse malgré une large disponibilité internationale.
Florian Saur (AstraZeneca) a évoqué un médicament contre l’asthme autorisé pour un large groupe de patients par Swissmedic, mais remboursé uniquement pour un sous-groupe restreint, à un tarif représentant un trentième de la moyenne européenne.
«Les propositions de l'industrie sont sur la table»
Selon les représentants de l’industrie, ces cas illustrent certaines limites du système: réduction de la population cible par l’OFSP malgré l’autorisation de Swissmedic, évaluation limitée à la comparaison des prix, faible prise en compte de l’utilité thérapeutique supplémentaire, et dépassement fréquent du délai légal de 60 jours pour statuer sur une demande d’inscription sur la liste des spécialités.
De manière générale, les prix de remboursement seraient inférieurs à la moyenne européenne, ce qui limiterait l’intérêt du marché suisse pour certains fabricants.
Les représentants de l'industrie pharmaceutique appellent à une révision de la procédure de fixation des prix, qu'ils jugent dépassée. Leur principale préoccupation: passer d'une vision tubulaire des coûts à une approche plus globale de l'utilité.
«Un système moderne avec des règles claires est attendu depuis longtemps – les propositions de l’industrie sont sur la table», a affirmé Sabine Bruckner (Pfizer Suisse). Selon elle, sans réforme, l’attractivité du marché suisse pourrait continuer à diminuer, avec des conséquences potentielles sur l’approvisionnement des patients.