Le Conseil fédéral est pour, le Conseil national l'est également, tout comme l'association des caisses maladie Prio.Swiss – seul le Conseil des États est contre. Et c'est ainsi que les Suisses se voient refuser la possibilité d'acheter des médicaments moins chers à l'étranger et de se les faire rembourser par leur caisse maladie.
Le lobby pharmaceutique a fait son travail
Les opposants à la motion du conseiller national PLR Marcel Dobler invoquent le principe de territorialité. Une violation de ce pilier du système de santé reviendrait, selon le conseiller aux États UDC Hannes Germann, à:
- créer une faille dommageable à long terme dans le système de sécurité et d’approvisionnement;
- compromettre la sécurité des patients (contrôle des ordonnances, suivi thérapeutique, rappels de médicaments);
- affaiblir le site économique et de recherche suisse, particulièrement vulnérable aux menaces douanières et aux attaques contre l’industrie pharmaceutique;
- accroître le risque de falsification d’ordonnances et d’abus;
- compromettre l’approvisionnement en médicaments en Suisse;
- rendre la mise sur le marché suisse et le remboursement moins attractifs pour les entreprises pharmaceutiques;
- contourner l’autorité de Swissmedic;
- remettre en question le principe de l’assurance obligatoire;
- encourager un tourisme d’achat jugé indésirable.
Pour la conseillère aux États PS Flavia Wasserfallen, certaines de ces craintes sont infondées.
Des économies pourraient être réalisées, en particulier concernant les médicaments dont le brevet est tombé dans le domaine public, pour les patients suivant un traitement de longue durée et prenant des préparations originales, des génériques ou des biosimilaires. Dans ce domaine, les différences de prix entre la Suisse et les autres pays sont relativement importantes. Wasserfallen cite, à titre d'exemple, les traitements contre l'hypertension ou ceux destinés à réduire le taux de cholestérol.
La Bernoise estime notamment infondées les craintes évoquées concernant les falsifications d'ordonnances et les abus: «Je pense que la formation des pharmaciens à l'étranger est comparable à celle dispensée en Suisse.»
Elle estime aussi que l’approvisionnement resterait garanti. Mieux encore en cas de pénurie: «Certains médicaments sont disponibles dans les pays voisins mais pas en Suisse.» La mise en œuvre de la motion élargirait ainsi les possibilités d’approvisionnement.
Champ d'application restreint
Erich Ettlin, conseiller aux États du Centre, a également soutenu la motion, soulignant son champ d’application limité: «Cela n’inclut pas la vente par correspondance. On ne peut donc pas se faire envoyer des médicaments. Le médicament doit être prescrit par un médecin autorisé exerçant en Suisse, être homologué en Suisse et être moins cher qu’en Suisse. Cela exclut déjà de nombreux abus.»
«Très, très petit chiffre d'affaires»
Pour le conseiller aux États socialiste neuchâtelois Baptiste Hurni, le débat sur l'achat de médicaments à l'étranger est emblématique du problème du système de santé suisse. «Chaque fois qu’une proposition susceptible de réduire les coûts est formulée, toutes les objections possibles surgissent: cela pourrait remettre en cause la qualité des soins ou représenter un danger pour les patients.»
Selon lui, la Suisse doit cesser de ne penser qu’aux acteurs économiques: «Nous devons agir pour réduire, ou du moins maîtriser, les coûts de la santé.»
Mais quel serait l’intérêt concret d’autoriser l’achat de médicaments dans les pays voisins? Pour Marcel Dobler, il est urgent de prendre des mesures afin de freiner la hausse continue des coûts de la santé. Les prix élevés des médicaments constituent, selon lui, l’un des principaux moteurs de l’inflation des dépenses sanitaires.
En mars 2024, face aux doutes exprimés au Conseil national par le Genevois Thomas Bläsi (UDC), lui-même pharmacien, Marcel Dobler a relativisé: «Il s’agit d’un très, très petit chiffre d’affaires. Il n’est pas question de vente par correspondance ni d’importations parallèles, mais de volumes réduits.»