Epic plutôt que DEP: un responsable de l'Inselspital de Berne se prononce

Martin Fiedler, directeur médical de l'Hôpital universitaire «Inselspital» de Berne, en est convaincu: si tous les hôpitaux et cabinets médicaux adoptent Epic, le DEP deviendra superflu.

, 11 décembre 2024 à 13:45
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Les hôpitaux modernisent leurs systèmes d'information, mais leurs choix divergent. | Adobe Stock
«Si tous les hôpitaux et cabinets médicaux adhérent à Epic, le traditionnel dossier électronique du patient (DEP) pourrait devenir superflu», explique Martin Fiedler, directeur médical de l'hôpital universitaire bernois Insel, dans une interview accordée au journal d'information numérique «Infosperber».
Selon lui, une collaboration pourrait «ouvrir la voie à une plateforme visionnaire intégrant soins aux patients, recherche et innovation dans un espace de santé numérique entièrement interconnecté».
Ces propos interviennent alors que le DEP et Epic sont au centre de vives discussions.

Un DEP qui peine à évoluer

Quinze ans après sa mise en place, le DEP n'a toujours pas décollé. Sept ans après l’entrée en vigueur de la loi fédérale qui le régit, le Conseil fédéral envisage déjà une révision de ce cadre légal.
Hôpitaux et médecins déplorent des dossiers qui ne sont souvent que des collections de documents peu exploitables, perçus davantage comme une charge bureaucratique qu’un réel bénéfice.
En dépit d'une large promotion du DEP, l’adhésion reste minimale. Le portail des patients du groupe hospitalier bernois Inselspital compte à lui seul bien plus d'utilisateurs que le DEP de la Confédération. Ce portail serait en effet nettement plus intuitif et plus riche, précise «Infosperber».

90 millions de francs pour Epic

Le groupe Insel a introduit le système d’information clinique Epic au printemps, y investissant près de 90 millions de francs. Quant aux hôpitaux bernois de plus petite taille, ils pourraient également se connecter au système de données Epic sans avoir à supporter directement le coût de ce logiciel onéreux.
Le groupe hospitalier cantonal lucernois LUKS a, lui aussi, récemment introduit Epic, mais les avis ne sont pas unanimes quant à la supériorité du système.
La saisie des données, par exemple, s'avère complexe. A Lucerne comme à Berne, l’ensemble du personnel, des employés de laboratoire aux chirurgiens en passant par le personnel soignant, a dû suivre une formation approfondie.
Martin Fiedler, de l'Inselspital, y voit néanmoins des atouts majeurs qu'il énumère pour le journal «Infosperber»:
  • Toutes les données relatives au traitement des patients sont regroupées dans un système unique, consultable à tout moment par les professionnels concernés.
  • Epic permet de centraliser en un seul et même système l'ensemble des services d'un hôpital – comme le laboratoire, les services d'imagerie médicale ou les soins intensifs – évitant ainsi la fragmentation en sous-systèmes.
  • Epic permet la saisie de données structurées en plus du dépôt de documents. Une condition sine qua non pour une meilleure utilisation des données.
Pourtant, un système d’information hospitalier national uniforme, capable de rendre le DEP obsolète, reste un objectif lointain.

Zurich en pleine évaluation

Si l'hôpital pédiatrique de Zurich (Kipsi) a déjà fait son choix en faveur d'Epic, d'autres grands établissements hésitent encore, freinés par le coût élevé du système informatique américain.
L'Hôpital universitaire de Zurich (USZ) entend prendre une décision en début d'année prochaine. Cependant, la procédure d’appel d’offres a suscité des débats, certains parlementaires demandant l’évaluation de l’offre de Cistec, une PME zurichoise, en alternative à Epic.

Litige au CHUV

L'appel d'offres de l'Hôpital universitaire de Lausanne (CHUV) est suspendu jusqu'à décision du tribunal. La société de logiciels genevoise Kheops Technologies accuse le CHUV d'avoir formulé leurs exigences de façon à correspondre exclusivement au fournisseur Epic.

Genève et le Valais font cavalier seul

Les Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) ont déjà décliné l'offre d'Epic. En collaboration avec l'Hôpital du Valais, ils développent leur propre système d'information pour s’affranchir des fournisseurs privés.
Tant que chaque établissement continue de privilégier ses propres solutions, un système national uniforme semble difficile à concrétiser. Les divergences actuelles risquent de maintenir la fragmentation des systèmes d’information hospitaliers en Suisse.
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