Bilans sanguins: quand les laboratoires font concurrence aux généralistes

Prévention et dépistage précoce par analyses sanguines: de plus en plus de laboratoires proposent des check-ups sans passer par un médecin. Une évolution qui suscite la méfiance des médecins de famille.

, 18 avril 2025 à 12:28
image
Image: Hush Naidoo Jade Photography/Unsplash
«Nous contrôlons tes paramètres sanguins, pour que tu ne perdes pas de vue ta santé.» Telle est l'approche adoptée par l'entreprise Lab-to-go pour promouvoir ses tests sanguins. L'entreprise Vitalcheck, quant à elle, déclare sur son site web: «Comprends ton corps et décide en connaissance de cause.»
De plus en plus d’entreprises proposent de tels tests sous forme de check-up médicaux destinés au dépistage précoce et à la prévention des maladies. Elles se placent ainsi ouvertement en concurrence avec les examens effectués par les médecins de famille.

Comparaison des prix

Vitalcheck affirme que le «Vital-Check» proposé par son laboratoire coûterait 36% de moins qu’un examen similaire chez un médecin, consultation et entretien compris: environ 200 francs contre 310.
Certaines entreprises mettent également en avant le fait qu’elles permettent aux patients d’accéder à des tests de laboratoire professionnels, sans avoir à se justifier auprès d’un médecin.

22 tests pour 199 francs

L’un de ces bilans de santé comprend 22 tests: les paramètres mesurés vont de l’alanine aminotransférase (une enzyme pouvant indiquer des atteintes hépatiques) à la TSH (hormone stimulant la thyroïde). L’ensemble coûte 199 francs.
La plupart des médecins de famille ne voient pas d’un bon œil ces «check-up». Marc Jungi, spécialiste en médecine interne générale et membre du comité de l’Association des médecins de famille et de l’enfance Suisse (MFE), explique: «Des examens sanguins larges et non spécifiques, sans indication médicale claire, n’ont pas de sens.»

«Des résultats fortuits souvent peu clairs»

Des résultats présumés pathologiques peuvent susciter de l’inquiétude chez les patients. On obtient souvent des résultats fortuits, peu clairs et sans réelle valeur diagnostique, qui nécessitent ensuite des éclaircissements par le médecin de famille, via l’assurance de base.
Marc Jungi constate: «En matière de prévention, il existe de solides preuves scientifiques sur les conseils, vaccins ou tests de dépistage pertinents à chaque âge de la vie, pour les personnes en bonne santé.» Il renvoie aux recommandations Eviprev, émises par le Centre universitaire de médecine générale et de santé publique de Lausanne.

Un besoin manifestement réel

Jungi reconnaît toutefois que ces check-ups représentent un modèle économique pour divers prestataires – et qu’ils répondent aussi à une demande réelle.
Selon lui, les tests sanguins ne constituent pas une alternative au médecin de famille et ne déchargent pas pour autant ce dernier de ses tâches. «Nous voyons régulièrement des patientes et des patients inquiets qui nous présentent les résultats d’analyses de laboratoire réalisées sans indication médicale. Souvent, une simple consultation suffit; parfois, des examens complémentaires s’imposent.»
Il serait extrêmement rare, selon lui, que de tels tests permettent effectivement de diagnostiquer une maladie qui aurait autrement été détectée trop tard.

Quand la prévention devient un problème

C’est une idée a priori surprenante que défendent un groupe international de médecins de famille et de professeurs dans le «British Medical Journal»: la prévention peut poser problème. Les auteurs critiquent le fait que, depuis longtemps, ce ne sont plus uniquement les personnes à haut risque qui ont recours à de nombreuses mesures préventives. Leur conclusion: il est temps de freiner «l’enthousiasme pour les mesures de prévention clinique dont le bénéfice est minime dans des populations asymptomatiques à faible risque».

  • soins de base
  • Test sanguin
  • Laboratoires d'analyse médicale
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Les caisses d'assurance maladie devront continuer à rémunérer les proches aidants

Si les caisses et les communes craignent une augmentation des coûts, le Conseil fédéral estime que les proches aidants doivent pouvoir bénéficier d'un statut rémunéré.

image

Du cannabis pour traiter les douleurs dorsales chroniques?

Une vaste étude montre qu'un extrait de cannabis à spectre complet est efficace contre les douleurs lombaires chroniques. Si les experts saluent cette approche, ils mettent également en garde contre les effets secondaires et les attentes excessives.

image

Retraite anticipée? Non, merci.

En plein contexte de pénurie de personnel, une enquête allemande livre un constat surprenant: rares sont les médecins qui souhaitent partir tôt à la retraite. Beaucoup envisagent de travailler jusqu’à la fin de la soixantaine, voire au-delà – par conviction et par passion pour leur métier.

image

Sierre: un nouveau pôle de santé pour compenser le manque de médecins

Le réseau Maison Médicale s’installe en Valais. Son futur centre de 3500 m² réunira médecins généralistes, spécialistes et professionnels de la santé mentale sous un même toit.

image

Pénurie de généralistes: d'un défi régional à un problème national

Le départ à la retraite des baby-boomers est une réalité – et les stratégies de relève sont insuffisantes. La bureaucratie freine encore davantage les médecins et pédiatres qui restent.

image

Près d'un tiers des fribourgeois se fait soigner hors canton

Selon un nouveau rapport cantonal, le système de santé fribourgeois évolue entre essor des cabinets de groupe, manque de personnel hospitalier et recours accru aux établissements vaudois et bernois.

Du même auteur

image

Helsana alerte sur la hausse des examens par TDM en Suisse

L’année dernière, plus de 600'000 personnes, soit près de 7% de la population, ont subi au moins un scanner du tronc. L’assureur s’inquiète de cette augmentation.

image

Expertises AI: une mission délaissée par les hôpitaux

Malgré leur potentiel lucratif, les expertises pour l’assurance-invalidité peinent à séduire les hôpitaux du pays. Décryptage.

image

Les quatre premières mesures de maîtrise des coûts de la santé

Les pharmacies et les sages-femmes verront leurs compétences élargies, tandis que les cantons devront définir des tarifs de référence plus équitables pour les traitements hospitaliers hors de leurs frontières.