Il y a un peu plus de deux ans, une action de recrutement peu conventionnelle menée par l’Hôpital cantonal d’Aarau (KSA) avait attiré l’attention. Fabio Blasi, responsable du sourcing, de l’employer branding et du développement, avait organisé un casting à Rome pour recruter du personnel soignant. Le KSA entendait ainsi lutter activement contre la pénurie de personnel qualifié.
Aujourd’hui, l’hôpital tire un bilan positif de l’opération. «L’action a été un succès», déclare Blasi. Actuellement, 22 des infirmières et infirmiers recrutés travaillent toujours à l’hôpital. Quelques départs isolés ont eu lieu pour diverses raisons, notamment un changement de domicile ou un nouveau défi professionnel.
Une bonne préparation a été déterminante pour ce succès, souligne Blasi. «Un onboarding structuré, une communication claire ainsi qu’une préparation professionnelle et intégrative ciblée sont essentiels.»
Malgré ces retours positifs, aucun nouveau processus de recrutement n’est actuellement prévu en Italie.
Réduction des postes temporaires
Le KSA enregistre également une baisse significative des postes temporaires depuis un an.
«Le recrutement de personnel en Italie a été l’une des nombreuses mesures mises en place pour faire face à la pénurie de personnel qualifié et réduire nos coûts d’intérim», explique Blasi. Selon lui, il est particulièrement réjouissant que le KSA puisse de plus en plus compter sur du personnel soignant issu de sa propre formation. «Grâce à un investissement à long terme dans la formation et le renforcement des compétences, nous attirons de nombreux apprentis et étudiants dans notre hôpital après l’obtention de leur diplôme.»
Personnel soignant philippin
L’Hôpital cantonal de Bâle-Campagne illustre toutefois que le recrutement international de personnel ne se déroule pas toujours sans heurts. Au printemps 2023, il a embauché sept infirmiers et infirmières venus des Philippines. Mais trois d’entre eux ont quitté l’établissement après leur période d’essai.
Le bilan intermédiaire le montre: le coût de tels projets est élevé et leur utilité réelle reste souvent difficile à évaluer.
Daniel Simon, président de l’ASI, a exprimé des réserves lors de l’émission «Schweiz aktuell» de la SRF. Les réactions de la scène suisse des soins infirmiers sont plutôt négatives. Les barrières linguistiques, la documentation des patients et l’utilisation des systèmes informatiques constituent des défis majeurs. De plus, la formation coûteuse du personnel soignant étranger représenterait une charge supplémentaire pour le personnel permanent déjà très sollicité.
Débat éthique
Alors que de nombreux hôpitaux recherchent activement du personnel qualifié à l’étranger, cette pratique ne fait pas l’unanimité. Aujourd’hui, la Suisse recrute un bon tiers de son personnel soignant à l’étranger, avec une proportion particulièrement élevée dans les régions frontalières comme Bâle ou Genève. À Genève, environ 70% du personnel soignant est frontalier, contre près de 60% dans le Jura et un peu plus de 50% dans le canton de Vaud.
Le recrutement ciblé de professionnels de la santé dans les pays pauvres suscite cependant de plus en plus de critiques. L’année dernière, le réseau Medicus Mundi Suisse et l’Association suisse des infirmières et infirmiers (ASI) ont lancé un «appel urgent»:
«Ne pas combattre la pénurie de professionnels de santé sur le dos des plus pauvres!» Ils reprochent à la Suisse d’enfreindre le code de l’OMS régissant le recrutement des professionnels de santé.
Le nombre de pays souffrant d’une pénurie extrême de personnel de santé est récemment passé de 48 à 55, alors que la Suisse intensifie ses recrutements à l’étranger.