Longtemps considéré comme une solution nécessaire pour pallier le manque de personnel, le travail temporaire dans le domaine des soins connaît aujourd’hui un changement de mentalité. De plus en plus d’hôpitaux réduisent leur recours au personnel temporaire ou souhaitent y renoncer complètement.
Une émission de la
«SRF-Tagesschau» diffusée la semaine dernière révélait que l’Hôpital universitaire de Zurich avait réduit la part des postes temporaires à temps plein, passant de 60% à 10%. L’Hôpital de Bülach, quant à lui, a réduit le nombre de postes intérimaires de 185 à 30. De même, l’Hôpital de Bâle emploie moins de personnel intérimaire et l’Hôpital cantonal de Lucerne prévoit d’y renoncer totalement.
Comme l'écrit le
«Walliser Bote», le Centre hospitalier du Haut-Valais (SZO) réduit lui aussi son personnel temporaire, sans toutefois envisager d'y renoncer complètement. «Les fluctuations saisonnières, par exemple pendant la saison d'hiver, et les absences de personnel à court terme peuvent ainsi être mieux amorties», explique Dominik Lorenz, responsable des ressources humaines au SZO.
Changement de paradigme problématique
«Je peux confirmer cette tendance», déclare Philipp Balscheit, dirigeant de la branche santé chez Coople, une société de recrutement intérimaire, interrogé par Medinside. Il considère cependant ce changement de paradigme comme problématique: «Chaque institution cherche désespérément à recruter du personnel qu’elle pourra garder sur le long terme. Mais le nombre de professionnels disponibles reste limité. Si tous les hôpitaux se concentrent sur des postes fixes, les effectifs ne seront pas suffisants pour répondre aux besoins de tous.»
Pour l’instant, les hôpitaux assurent pouvoir couvrir tous leurs postes. L’Hôpital universitaire de Bâle évoque un dispositif renforcé visant à encourager la relève, des salaires plus élevés et des systèmes de promotion internes. Mais cela sera-t-il suffisant à long terme?
Économiquement viable?
Balscheit a des doutes. Il faudrait, selon lui, miser sur des modèles flexibles permettant d’employer du personnel de manière interinstitutionnelle plutôt que de compter exclusivement sur des embauches fixes. Le travail intérimaire ne permettrait pas uniquement de pallier les pénuries, mais pourrait aussi soulager de manière ciblée les équipes centrales, limitant ainsi la rotation du personnel.
«Le départ d’employés frustrés et épuisés représente un coût bien supérieur à celui du travail temporaire. Si on l’utilise à bon escient, il peut aider à améliorer les conditions de travail et, par conséquent, générer des économies», affirme-t-il, convaincu.
Dominik Lorenz du SZO partage cet avis. Bien que le recours à du personnel temporaire engendre des coûts supplémentaires, il considère cette option comme économiquement pertinente: «Dans certains domaines, il y a tout simplement trop peu de personnel sur le marché», explique-t-il au «Walliser Boten». D'autre part, une embauche temporaire par le biais d’un partenaire stratégique s'avèrerait souvent plus rapide qu'un recrutement conventionnel.
En outre, le travail temporaire dans le secteur des soins pourrait permettre de découvrir plusieurs établissements avant de décider d'un poste fixe. «Dans le meilleur des cas, nous obtenons la titularisation de nouveaux salariés grâce à ce réseau.»
Michael Simon, directeur de l’Institut des sciences infirmières de Université de Bâle, porte lui aussi un regard critique sur ce phénomène. «Si le nombre de travailleurs temporaires a augmenté de manière si forte, cela est dû à la politique des ressources humaines de ces dernières années. Les besoins des travailleurs n’ont pas été suffisamment pris en compte», explique-t-il dans une contribution pour la SRF.
Un changement brutal de cap semble difficile: «Cela nécessite un engagement fort, une stratégie réfléchie et une gouvernance efficace. La formation continue, le développement ciblé des travailleurs et des modèles de travail flexibles seront essentiels pour garantir la fidélisation du personnel sur le long terme.»
Proportion d'intérimaires dans le secteur de la santé