Une équipe des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) a réalisé en septembre une première européenne: une transplantation cardiaque partielle chez un enfant atteint d’une malformation congénitale complexe. L’intervention, rendue publique ce jeudi, ouvre la voie à une nouvelle ère dans la chirurgie cardiaque pédiatrique.
Une technique inédite sur le continent
Contrairement à une greffe cardiaque complète, la transplantation partielle consiste à remplacer uniquement les valves défaillantes du cœur tout en conservant le muscle cardiaque du patient. C’est une première européenne: jusque-là seules quelques opérations de ce type avaient été réalisées aux États-Unis, a expliqué Tornike Sologashvili, chirurgien cardiaque pédiatrique aux HUG, lors de la conférence de presse du 16 octobre.
Cette approche présente un avantage majeur: les valves transplantées sont des tissus vivants capables de grandir avec l’enfant, évitant ainsi les opérations répétées nécessaires avec les prothèses classiques.
Une alternative aux valves artificielles
Jusqu’ici, les jeunes patients recevaient des valves mécaniques – qui imposent un traitement anticoagulant à vie – ou biologiques, souvent d’origine animale, qui se dégradent avec le temps. Chez un enfant en croissance, ces solutions sont loin d’être idéales, rappelle Julie Wacker, cardiologue pédiatre. Cette transplantation partielle pourrait offrir la possibilité d’une solution à vie.
Point important: les valves utilisées proviennent d’un donneur dont le cœur entier ne peut pas être transplanté, par exemple en raison d’une altération de sa fonction. C’est une manière précieuse de valoriser ces dons, souligne Franz Immer, directeur de Swisstransplant. Ainsi il n'y a pas de compétition entre receveurs d'un cœur entier et receveurs d'une transplantation de valves. Wacker et Sologashvili parlent même d'un potentiel «effet domino»: un patient explanté afin de recevoir un cœur entier pourrait, si ses valves sont en bon état, devenir à son tour donneur pour une transplantation partielle.
Un jeune patient au parcours lourd
L’enfant opéré souffre d’un tronc artériel commun, une malformation rare qui fusionne les deux grandes artères du cœur. Déjà opéré trois fois, il s'est mis à présenter, avec le temps, une sténose sévère. «Il commençait à se comparer à ses amis, car il était moins rapide, moins fort qu’eux. Le plus dur pour lui, c’était quand son corps lui disait non», raconte sa mère, citée dans le
communiqué des HUG.
Les options traditionnelles – poser une nouvelle valve biologique ou une mécanique – étaient trop risquées. L’équipe a donc choisi cette nouvelle voie. L’opération a duré environ cinq heures. Le lendemain, le garçon arborait déjà un sourire aux lèvres, précisent les médecins, aujourd'hui il peut retaper dans un ballon de football.
Un projet aux implications éthiques et scientifiques
Cette opération pionnière a été précédée de longs échanges avec le Conseil d’éthique clinique des HUG. «Les risques à long terme ne sont pas encore entièrement connus», reconnaît la direction médicale. Mais les autorités sanitaires suisses et Swisstransplant ont donné leur feu vert, saluant le potentiel d’innovation de cette approche – dans une situation où aucune autre voie n'était envisageable.
Les HUG entendent, dès que possible, lancer un essai clinique national pour évaluer plus largement la technique. La collaboration avec des centres nord-américains, qui ont initié cette pratique en 2022, se poursuit activement.
Une avancée prometteuse pour la cardiologie pédiatrique
Chaque année, entre 220 et 250 chirurgies cardiaques pédiatriques sont réalisées aux HUG, dont plus de 60% pour des cardiopathies complexes. Un enfant sur cent naît avec une cardiopathie congénitale, et près d’un sur trois doit être opéré, rappelle Julie Wacker.
Les spécialistes genevois espèrent que cette première ouvrira la voie à d’autres interventions similaires, y compris chez des nouveau-nés. L’objectif serait d’offrir à chaque enfant un tissu vivant qui puisse grandir avec lui, conclut Tornike Sologashvili.