L’Hôpital pédiatrique de Suisse centrale (Kinderspital Zentralschweiz, KidZ) à Lucerne lance un projet pilote en faveur de la sécurité des patients: il s’apprête à introduire le modèle britannique «Martha’s Rule». Cette initiative doit permettre aux parents de se faire entendre plus facilement lorsque leur enfant présente des problèmes de santé aigus. Ils pourront ainsi s’adresser à une équipe soignante indépendante, déclenchant un processus de prise en charge défini.
Cette démarche fait suite à un décès tragique en février 2025: les médecins avaient renvoyé chez lui un petit garçon, alors que sa mère avait signalé son état critique. Peu de temps après, une réadmission s’est avérée nécessaire, mais l’enfant n’a pas pu être sauvé.
«Les parents connaissent souvent mieux leur enfant que n’importe quel test médical», déclare Martin Stocker, directeur du KidZ: «Prendre leurs inquiétudes au sérieux peut s’avérer essentiel pour un traitement réussi.»
129 alertes et vies sauvées
Le concept est né en Angleterre. La «Martha’s Rule» a été nommée en mémoire d’une jeune fille de 13 ans, Martha Mills, décédée en 2021. Les médecins avaient sous-estimé une septicémie, bien que la famille ait signalé à plusieurs reprises une détérioration de son état de santé.
Cette tragédie a révélé la nécessité de prendre au sérieux les inquiétudes des proches et de mettre en place un système permettant d’intégrer systématiquement ces préoccupations dans le traitement.
- De septembre 2024 à février 2025, 2'289 interventions ont eu lieu dans le cadre de la procédure Martha's Rule. Dans un cinquième de ces cas, ces interventions ont mené à des changements dans la prise en charge ou à des transferts.
- Pas moins de 129 fois, ces interventions ont conduit à prendre une mesure permettant de sauver la vie du patient; 57 d'entre eux ont notamment été transférés dans un service d'urgence ou de soins intensifs.
- Dans 336 cas, le traitement a été adapté suite à l’intervention des proches.
- Enfin, dans 340 cas, l'intervention des proches a permis la résolution de problèmes cliniques (notamment en cas de retards dans la prise de médicaments). Dans 448 cas, elle a permis de résoudre des problèmes de communication.
Les proches ne devraient pas être les seuls à faire remonter des inquiétudes. Le personnel soignant, thérapeutique ou administratif intervenant en marge des soins directs devrait également être impliqué. Mais pour que cela fonctionne, un processus clair doit être en place.
«We are not even a year into the rollout of Martha’s Rule and it is already one of the most significant changes in patient safety in recent years.» — Stephen Powis, Medical Director NHS
Le projet pilote de Lucerne prévoit un processus en quatre étapes:
- Niveau 0: enquête systématique auprès des parents à chaque prise de poste.
- Étapes 1 et 2: prise de contact des parents avec le personnel soignant et l’équipe médicale du service traitant.
- Niveau 3: contact téléphonique direct des parents avec le service d’inscription des patients. Cela active une équipe de traitement indépendante; réaction dans les quatre heures.Selon les dernières évaluations, dans 73% des cas, la demande d’intervention («escalation request») provenait des proches.
Le retour des équipes hospitalières est largement positif.
Stephen Powis le souligne: «La Martha's Rule est en vigueur depuis moins d'un an et il s'agit déjà de l'un des changements les plus importants de ces dernières années en matière de sécurité des patients. Des centaines d'appels ont permis d'améliorer les soins aux patients – et sans aucun doute de sauver des vies.»
Le projet pilote à Lucerne débutera en novembre 2025 et durera jusqu’en avril 2026. La suite de la procédure sera ensuite définie. La mise en œuvre ne nécessite pas de personnel supplémentaire, car les professionnels agissent dans le cadre de leur temps de travail habituel.
«Nous créons un système qui prend les parents au sérieux tout en soutenant l’équipe soignante», explique Martin Stocker.
- Une phrase qui peut faire la différence: «Êtes-vous inquiet?». Les proches détectent souvent plus tôt qu’on ne le pense les signes de dégradation de l’état de santé d’un enfant. Une nouvelle étude souligne la pertinence de ces signaux et appelle à un véritable changement de culture dans la médecine d’urgence.