Les prix des stimulateurs cardiaques sont très élastiques – ce n'est un secret pour personne. En Suisse même, certains hôpitaux paient parfois jusqu’à quatre fois plus que d’autres. Autre constat bien connu: les fabricants de dispositifs médicaux facturent davantage en Suisse que dans les pays voisins.
Une enquête de la
«Neue Zürcher Zeitung» met en évidence l’ampleur de ces écarts. Le journal a eu accès aux prix de vente (rabais inclus) de six modèles utilisés à la fois en Suisse et en Allemagne. Ces produits proviennent d’Abbott, Medtronic et Biotronik.
Selon cette étude, un hôpital de taille moyenne en Suisse paie, dans les cas extrêmes, plus de cinq fois le prix demandé à un établissement similaire en Allemagne.
Exemple frappant: le stimulateur cardiaque à chambre unique Endurity Core SR d’Abbott coûte entre 760 et 860 francs à un hôpital allemand, contre 4'900 à 5'100 francs en Suisse. Pour l’appareil à deux chambres du même fabricant, le rapport est comparable.
Où se trouve le centre de services?
Une première explication avancée tient au service. En Suisse, la présence en salle d’opération de spécialistes mandatés par les fabricants est la norme – ce qui ne serait pas le cas en Allemagne. Le chef d’une grande clinique cardiaque suisse a souligné dans la NZZ l’importance de cette assistance sur place: les groupes de technologie médicale opèrent à l’échelle mondiale, mais le service est assuré au niveau national – et cela a un coût. Selon lui, si le centre de service était situé à Berlin, la distribution deviendrait moins rentable pour les fabricants et des fournisseurs à bas prix s’engouffreraient rapidement dans la brèche.
«C’est surtout le manque de transparence sur les prix qui entrave la capacité des hôpitaux à optimiser leurs achats, à négocier des prix compétitifs et à garantir une utilisation efficace des ressources», écrivait alors le surveillant des prix, Stefan Meierhans, ajoutant que «de plus, en Suisse, comme dans de nombreux autres pays, les relations entre les fournisseurs d'implants médicaux et les chirurgiens sont très étroites».
Estomper les différences
Les données de «Monsieur Prix» ont mis en évidence d’importants écarts pour des implants identiques, y compris en Suisse: le prix d’un stimulateur cardiaque peut varier du simple au quintuple d’un hôpital à l’autre. Un défibrillateur du même fournisseur peut présenter une différence de prix d’un facteur deux.
Selon le Surveillant des prix, ces écarts s’expliquent probablement par les stratégies de segmentation du marché mises en œuvre par les fabricants, qui tirent parti des différences de pouvoir de négociation et de capacité de paiement entre établissements.
Le phénomène n’est pas nouveau. Dès 2007, le Surveillant des prix avait montré que les prestataires allemands ne payaient que 54% du prix suisse pour le même stimulateur cardiaque, tandis que l’appareil coûtait 47% du tarif suisse en France. Les prix étaient aussi nettement inférieurs en Italie et en Autriche.
Dans la «Neue Zürcher Zeitung», un responsable des achats reproche aux directions d’hôpitaux de ne pas assez intégrer la dimension budgétaire dans le choix des dispositifs: ce sont presque toujours les médecins-chefs qui décident du matériel utilisé. «Il serait pourtant essentiel de définir un assortiment commun et de commander des volumes obligatoires, car les fabricants consentiraient alors à de fortes réductions», explique-t-il.
En janvier 2025, le Surveillant des prix a proposé sept mesures visant à améliorer la transparence et à optimiser les coûts:
- Créer un registre national anonymisé des prix d’achat effectivement payés, accessible uniquement aux autorités, aux hôpitaux et aux assureurs maladie.
- Instaurer une obligation légale pour les fournisseurs de détailler la composition des prix, aussi bien lors des négociations que dans les contrats.
- Réduire l’influence des chirurgiens dans le choix des implants, en favorisant des critères fondés sur les besoins des patients.
- Encourager les importations parallèles en simplifiant la réglementation et en appliquant des sanctions contre les pratiques anticoncurrentielles.
- Renforcer la collaboration intercantonale en matière de groupements d’achat.
- Fixer un nombre minimal de cas pour les principales catégories d’implants, afin de garantir une expérience suffisante et potentiellement réduire les coûts.
- Accroître le contrôle des cantons sur les hôpitaux publics, notamment en ce qui concerne les procédures d’appel d’offres.