L’OMS change de cap: les injections amincissantes font partie du traitement de l'obésité

Dans une nouvelle ligne directrice, l’Organisation mondiale de la santé se prononce en faveur de l’usage à long terme des médicaments GLP-1 dans la prise en charge de l’obésité. Elle met toutefois en garde contre des pénuries mondiales et appelle à un accès strictement régulé.

, 25 décembre 2025 à 23:20
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Image symbolique réalisée par IA: Docinside avec Gemini.
Avec ses premières lignes directrices mondiales sur l’utilisation des analogues du GLP-1 dans le traitement de l’obésité, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) opère un véritable changement de paradigme: l’obésité y est clairement définie comme une maladie chronique et récidivante nécessitant une prise en charge à vie – et pouvant être traitée par des médicaments GLP-1.
«L’obésité est un défi important pour la santé mondiale, que l’OMS s’engage à relever en soutenant les pays et les populations du monde entier pour la maîtriser, de manière efficace et équitable», Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS.
En parallèle, une équipe dirigée par Francesca Celletti résume la ligne directrice dans une communication spéciale publiée dans «JAMA» et y ajoute un message politique: l’accès aux analogues GLP-1 devrait inciter la communauté sanitaire mondiale à bâtir un nouvel écosystème de prise en charge de l’obésité, fondé sur des «solutions équitables, intégrées et durables».

Deux recommandations de l’OMS

La ligne directrice s’adresse aux adultes atteints d’obésité (IMC ≥ 30), à l’exception des femmes enceintes. Le message central: les GLP-1 sont clairement reconnus comme un pilier pharmacologique efficace – mais pas comme une solution isolée. La ligne directrice comporte deux recommandations principales:
1. Les GLP-1 comme traitement au long cours
  • Les thérapies GLP-1 (notamment le liraglutide, le sémaglutide et le tirzépatide) peuvent être utilisées dans le traitement au long cours chez les adultes atteints d’obésité (défini comme ≥ 6 mois de traitement continu).
  • Cette recommandation repose sur des preuves modérées issues d’études de 26 à 240 semaines, portant notamment sur l’évolution du poids, la qualité de vie, les événements cardiovasculaires et la mortalité.
  • Elle reste conditionnelle, faute de données à long terme concernant la sécurité, l’ajustement des doses, le maintien des effets, l’arrêt du traitement, les coûts, la charge pour les systèmes de santé et les questions d’équité d’accès.
2. Combinaison avec une thérapie comportementale
  • Chez les patientes et patients recevant un GLP-1, une intervention comportementale intensive peut être proposée.
  • Selon l’OMS, cela inclut des interventions structurés intégrant des objectifs en matière d’activité physique et d’alimentation, ainsi qu’un suivi régulier des progrès.
L’article du «JAMA» replace les GLP-1 dans un contexte clinique plus large: initialement approuvées pour le diabète de type 2, ces molécules ont démontré des bénéfices bien au-delà de la simple perte de poids. En octobre 2025, douze thérapies à base de GLP-1 sont autorisées pour le diabète et/ou l’obésité, et plus de quarante autres substances – dont des agonistes multirécepteurs – sont en développement.
«GLP-1 therapies mark more than a scientific breakthrough. They represent a new chapter in the gradual conceptual shift in how society approaches obesity—from a “lifestyle condition” to a complex, preventable, and treatable chronic disease.» Celletti et al., 2025.
Les auteurs évoquent un «nouveau chapitre» et un possible «point de bascule» dans la prise en charge de l’obésité: pour la première fois, une pharmacothérapie agit simultanément sur des mécanismes neuroendocriniens, métaboliques et comportementaux – ouvrant ainsi la voie à une prise en charge multimodale et interdisciplinaire.
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Ventes mondiales de médicaments GLP-1, en milliards de dollars, 2018–2025 | Sources: Teneo, Allianz, Fineline Cube. Estimation UBS pour 2025.
La ligne directrice et l’article du «JAMA» soulignent d’une même voix que l’obésité est une maladie complexe, façonnée par la génétique, la neurobiologie, les comportements alimentaires, l’environnement ainsi que par des facteurs sociaux et économiques. Le traitement doit être centré sur la personne et non discriminatoire. L’OMS formule à cet égard deux «Good Practice Statements» :
  1. L’obésité nécessite une prise en charge tout au long de la vie, incluant le dépistage, le traitement précoce des comorbidités ainsi que les options pharmacologiques et chirurgicales lorsqu’elles sont indiquées.
  2. Toutes les personnes concernées doivent recevoir des conseils adaptés à leur contexte en matière de mode de vie et de comportements – y compris comme point d’entrée vers des programmes plus intensifs, en particulier lorsque des médicaments GLP-1 sont prescrits.

Prioriser plutôt que «premier arrivé, premier servi»

Selon l’OMS, les principaux obstacles ne concernent pas l’efficacité des traitements, mais leur mise en œuvre: Même dans les scénarios les plus optimistes, la capacité de production actuellement prévisible permettrait de fournir des thérapies GLP-1 à environ 100 millions de personnes – soit moins de 10% des personnes concernées. Les prix élevés, les chaînes d’approvisionnement limitées, l’absence de remboursement et des systèmes de santé insuffisamment préparés constituent des barrières majeures.
Face à un approvisionnement et à des capacités de prise en charge clairement insuffisants, l’OMS souhaite présenter dès 2026 un «cadre transparent et équitable de définition des priorités». Parallèlement, des analyses coût-bénéfice devront être établies pour différents contextes – tant pour la population générale atteinte d’obésité que pour des groupes à haut risque définis.
Lignes directrices de l'OMS

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