L’Europe s’appuie de plus en plus sur des professionnels de santé venus du monde entier. Cette tendance, déjà manifeste et spectaculaire ces dernières années, devrait se poursuivre. Un nouveau rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) met en garde contre ses conséquences.
Selon les estimations de l’OMS, d’ici cinq ans – soit en 2030 – il manquera environ 950'000 professionnels de santé sur le continent. «Cela fait de la fidélisation du personnel, de la répartition équitable et de la gestion des migrations des priorités urgentes», souligne le rapport
Entre 2014 et 2023, le nombre de médecins immigrés a augmenté de 58%. Pour le personnel infirmier, la progression a même atteint 67%. Plus des deux tiers de ces professionnels ont été formés hors du continent européen.
Sans surprise, les plus grands bénéficiaires de cette immigration sont des pays relativement vastes et très peuplés, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, qui ont accueilli à eux deux 62% des médecins et 88% des infirmiers diplômés à l’étranger.
Illustration: immigration de médecins et de personnel soignant par pays en 2023 – formés en Europe (bleu), formés hors d’Europe (orange).
La Suisse fait partie des pays en tête de classement: après Chypre, Israël, la Norvège et l'Irlande, c'est le pays qui compte la plus forte proportion de médecins étrangers (40%). Elle est également le deuxième pays en termes de proportion d'infirmiers étrangers (27%, après l'Irlande avec 52%).
Toutefois, la proportion de professionnels titulaires d'un diplôme non européen reste très faible dans notre pays: la Suisse «chasse» donc relativement peu dans les pays les plus pauvres, mais recrute plutôt son personnel de santé chez ses voisins. Ceux-ci, à leur tour, cherchent alors du renfort dans des pays plus lointains...
Le rapport de l’OMS souligne par ailleurs que certains pays d’Europe orientale et méridionale subissent une fuite massive de médecins et d’infirmiers vers les pays plus riches, aggravant les pénuries déjà existantes.
Objectif: que tous soient gagnants
Le rapport présente plusieurs études de cas encourageantes. La Roumanie, par exemple, a réussi à freiner l’émigration des médecins en améliorant salaires, conditions de travail et formation. L’Irlande, autrefois très dépendante de l’immigration dans le domaine de la santé, a quant à elle considérablement renforcé son vivier de personnel qualifié.
En d’autres termes, il s’agit d’organiser la migration du personnel de santé de façon équitable et intelligente afin que toutes les parties en tirent profit.
«Nous disposons de solutions pour garantir que la migration soit bénéfique pour toutes les parties concernées. Chaque pays peut tirer des enseignements de l'expérience des autres »,
explique Natasha Azzopardi-Muscat, directrice à l'OMS. «Mais si nous ne gérons pas la migration du personnel de santé de manière équitable, nous risquons d'aggraver les inégalités en matière de santé et de submerger des systèmes de santé déjà fragiles.»