Cas isolés ou problème systémique? Une étude transversale récemment menée en Allemagne met en lumière l’ampleur du harcèlement sexuel dans le milieu médical universitaire. L’enquête a été réalisée dans les hôpitaux universitaires d’Ulm, de Fribourg, de Tübingen et de Heidelberg. Près de 1'500 médecins et 2'500 membres du personnel infirmier y ont pris part.
Les participants ont été interrogés sur d’éventuelles expériences de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail au cours des douze derniers mois. Les résultats sont saisissants: 74% des femmes médecins, 51% de leurs confrères masculins, 77% des infirmières et 68% des infirmiers déclarent avoir été confrontés à une forme de harcèlement sexuel dans leur environnement professionnel.
L’enquête explore le phénomène dans toute sa complexité. Les questions portaient notamment sur les propos à connotation sexuelle, les insinuations déplacées, ou encore les récits à contenu sexuel partagés sur le lieu de travail. Si la majorité des comportements signalés relèvent du harcèlement non physique, les gestes à caractère sexuel – plus rares – sont toutefois décrits comme particulièrement menaçants. Des agressions sexuelles ont été rapportées par 1,4% des médecins et 4,2% des infirmières.
Une constante se dégage: les auteurs présumés sont majoritairement des hommes, et les victimes, le plus souvent des femmes. La hiérarchie professionnelle semble également jouer un rôle amplificateur.
Chirurgie: facteur de risque?
Les femmes médecins et le personnel infirmier rapportent avoir été plus souvent harcelés par des patients ou des médecins masculins, tandis que les infirmierères et infirmiers mentionnent plus fréquemment des comportements déplacés de la part de collègues.
Plusieurs facteurs de risque sont mis en évidence: le sexe féminin, un âge inférieur à 40 ans, l’exercice en service clinique, notamment en chirurgie, une organisation hiérarchique rigide.
Chez le personnel soignant, la prédominance masculine au sein des équipes, de même que la présence d’un responsable masculin, sont également corrélées à une fréquence plus élevée des signalements. Enfin, le harcèlement non physique est perçu comme problématique par près de 76% des personnes concernées, soulignant une fois de plus que la «plaisanterie» n'est pas toujours de bon goût.