Le harcèlement moral et sexuel dans le milieu médical fait l'objet d'une attention croissante et de mesures concrètes au sein des institutions hospitalières suisses. Au mois de février, un
reportage de l’émission «Temps Présent» de la
«Radio-Télévision Suisse» (RTS) mettait en lumière de nombreux dysfonctionnements au sein des hôpitaux de Suisse romande, allant de jeux de pouvoir à du chantage sexuel, le tout dans un climat d'omerta.
Mais cette réalité dépasse largement les frontières helvétiques. Le site d’information médicale américain
«Medscape» a récemment publié un rapport sur le harcèlement sexuel dans la profession médicale à l’échelle européenne. Intitulé
«European Doctors’ Sexual Harassment Report 2025», le document présente les résultats d’une enquête menée auprès de 4'339 médecins dans six pays: la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et le Royaume-Uni.
Le constat est alarmant: dans chacun de ces pays, une proportion significative de médecins déclare avoir été victime ou témoin de harcèlement sexuel au cours des trois dernières années. Celui-ci prend des formes variées: commentaires à connotation sexuelle, attouchements, regards insistants, étreintes non désirées, proximité physique excessive ou encore propositions sexuelles, explicites ou suggérées.
Hausse des cas ou multiplication des signalements?
Les médecins basés au Royaume-Uni sont les plus nombreux à déclarer avoir personnellement subi une forme de harcèlement sexuel (9% des répondants). Ce chiffre a triplé depuis la dernière enquête britannique de Medscape en 2019, et ce malgré l’adoption, début 2024, d’une politique de tolérance zéro par le General Medical Council.
Par ailleurs, 8% des répondants britanniques affirment avoir été témoins d’une forme de harcèlement sexuel, un chiffre qui a, lui aussi, doublé depuis 2019.
C’est cependant en Allemagne que l’on recense la plus forte proportion de témoins de harcèlement: 14% des médecins interrogés, soit un sur sept.
Ces chiffres traduisent-ils une aggravation du phénomène ou bien une prise de conscience croissante favorisant la libération de la parole ? «Près de la moitié (48 %) des médecins allemands sondés estiment que le harcèlement sexuel sur le lieu de travail est pris plus au sérieux qu’il y a cinq ans», note Medscape.
Hiérarchie et genre
Dans tous les pays étudiés, les auteurs de harcèlement sont majoritairement des hommes, souvent médecins eux-mêmes et en position hiérarchique supérieure. D'après les résultats de l'enquête, les membres du personnel infirmier sont à l’origine d’environ un incident sur dix.
Par ailleurs, entre 5% et 10% des cas recensés incluaient une promesse d’avantages professionnels (promotion, augmentation de salaire…) en échange d’un acte sexuel, ou des menaces de représailles en cas de refus.
Près de la moitié des médecins britanniques (49%) estiment qu’un praticien accusé de harcèlement sexuel a plus de chances d’échapper à des sanctions s’il génère des revenus importants pour son établissement.
Source: Medscape, «European Doctors’ Sexual Harassment Report 2025»
Réactions et démissions
Entre 34% et 45% des médecins victimes de harcèlement ont déclaré avoir demandé à l’auteur de cesser son comportement. Toutefois, une majorité – entre 47% et 59% – n’a pas osé ou choisi de ne pas intervenir directement.
Par ailleurs, une proportion importante de victimes (entre 49% et 71%) déclare ne pas avoir signalé les faits ni identifié leur auteur auprès de leur hiérarchie ou d’une autorité compétente.
En France, les médecins victimes sont les plus nombreux à affirmer avoir réagi directement en demandant à l’auteur du harcèlement de cesser son comportement (45%). Toutefois, près d’un quart des répondants français (23%) déclarent avoir quitté leur emploi à la suite d’un harcèlement. En Allemagne, ce chiffre atteint lui aussi 20%.