Pour de nombreux jeunes médecins, l'obtention d'un titre de spécialiste ou d'une reconnaissance de formation continue n’est pas qu’une formalité administrative: c’est un parcours semé d’attente, de silence administratif… et de conséquences concrètes. Depuis plusieurs mois, les délais de traitement à l’Institut suisse pour la formation médicale postgraduée et continue (ISFM) s’allongent, atteignant parfois six mois, voire davantage. La communication avec l’institution est souvent décrite comme laborieuse.
Une situation qui génère frustrations, pertes financières et, parfois même, reports de prise de fonction ou abandon de projets de séjour professionnel à l'étranger.
La problématique s’invite désormais dans le débat politique à Berne. Une
motion d'un groupe mené par Cyril Aellen (PLR) a été déposée au Conseil national: «La validation des demandes de titres de spécialiste doit intervenir dans un délai raisonnable».
Une motion pour mettre fin aux blocages
Le texte appelle à «prendre les mesures nécessaires» afin que l’ISFM réduise les délais de validation des titres. La motion a notamment été cosignée par les médecins Bettina Balmer (PLR) et Brigitte Crottaz (PS). Pour les motionnaires, le délai de traitement des dossiers complets ne devrait pas excéder un mois. En outre, «en cas de dossier incomplet, l’ISFM doit inviter le candidat à le compléter dans un délai d’un mois, sans avoir à recommencer l’entier de la procédure», précise encore la motion.
Car jusqu’à présent, l’ISFM rejette systématiquement les demandes incomplètes, ce qui impose une reprise complète du processus – entraînant des délais pouvant aller de neuf mois à plusieurs années.
Un business rentable
Dans les colonnes de
«La Tribune de Genève», les témoignages s’accumulent. Le cas d’un médecin n’ayant toujours rien reçu huit mois après avoir déposé sa demande de titre y est notamment évoqué. Un autre explique qu’un délai d’attente de sept mois «a retardé [son] inscription sur la liste d’attente pour ouvrir [son] cabinet», tandis que certains collègues ont pu s’installer avant lui. Le journal rappelle les enjeux spécifiques au canton de Genève, qui a réintroduit la clause du besoin en 2022 – une mesure qui limite l’installation de nouveaux médecins en secteur privé. Les retards administratifs peuvent donc avoir des répercussions durables sur la trajectoire professionnelle des jeunes praticiens.
Enfin, les frais de dossier sont également dénoncés: ils s’élèvent à près de 4'000 francs. «Ce tarif mériterait un débat de fond, car la prestation délivrée n’est absolument pas à la hauteur. À qui et à quoi servent ces sommes?», déplore un chef de clinique auprès de «La Tribune de Genève».
À ce sujet, jetons un œil aux
rapports annuels de l'ISFM: au cours des cinq dernières années, l'institution a généré en moyenne 10,5 millions de francs suisses grâce aux frais et aux certificats; le bénéfice net moyen s'élevait à 1,3 million de francs suisses. Cela correspond à un rendement moyen de 12,3%, soit un chiffre remarquable pour une activité sans risque entrepreneurial et avec de faibles coûts d'infrastructure.
L’ASMAC alerte, l’ISFM reconnaît ses torts
Il y a peu, l'
Association suisse des médecins-assistants et chefs de clinique (ASMAC) s’est attaquée à cette problématique:
deux représentants de l’ISFM ont répondu aux questions du président de l’association, Severin Baerlocher, et ont concédé des erreurs. «Nous sommes conscients que l’ISFM a manqué de transparence par le passé», déclarait
Jörg Gröbli, directeur de l’institut. Et d’ajouter: «La situation concernant les délais pour l’octroi des titres a souvent été relativisée à l’excès, et nous n’avons pas fait le nécessaire.»
Peu après,
la Chambre médicale de la FMH adoptait à une large majorité les propositions de l’ASMAC visant à contraindre l’ISFM à faire preuve de davantage de transparence et à accélérer le traitement des demandes de titres. Conformément à cette décision, l’ISFM devra désormais rendre compte régulièrement des progrès réalisés et présenter, d’ici janvier 2026, un plan concret visant à ramener la durée moyenne de traitement à un maximum de trois mois.