En médecine, les chiffres abondent: résultats d’analyses, risques, probabilités… Pourtant, peu de patients savent les interpréter correctement. Ce déficit de littératie numérique peut générer de la peur, de l’incompréhension ou des décisions inadaptées, même lorsque les explications des médecins sont bien intentionnées.
Une équipe dirigée par Brian Zikmund-Fisher (professeur de santé publique, Université du Michigan) et Angela Fagerlin (sciences de la santé de la population, Université de l’Utah) a formulé cinq principes fondés sur les preuves pour communiquer plus efficacement les données médicales.
1. Des chiffres plutôt que des mots
Des termes comme «rare», «fréquent» ou «improbable» peuvent être interprétés de manière très variable par les non-spécialistes: «rare» peut ainsi signifier 0% pour certains et 80% pour d'autres. Plusieurs études montrent que les patients évaluent les risques de façon plus réaliste lorsque les médecins utilisent des chiffres concrets – par exemple: «votre risque est d'environ 4%», et non pas «cela arrive rarement».
Conseil pratique: les chiffres permettent d'éviter les malentendus. Les estimations («environ 1 sur 20») sont également préférables aux termes flous.
2. Dénominateurs uniformes
Les risques présentés sous la forme «1 pour X» sont souvent surestimés. Les pourcentages ou les dénominateurs fixes (par exemple «8,9 pour 1'000») sont plus faciles à comparer. Ainsi, dans une étude, 73% des participants ont réussi à comparer correctement les risques lorsque les chiffres étaient présentés dans le même format, contre seulement 56% lorsque la présentation variait.
Conseil pratique: utilisez systématiquement des pourcentages ou des ratios fixes afin d'assurer la comparabilité.
3. Risques absolus plutôt que relatifs
«Ce médicament réduit les risques de moitié», cette affirmation peut sembler impressionnante, mais elle est trompeuse. Ce qui est décisif, c'est le changement absolu: que le risque passe de 15% à 8% ou de 2% à 1%.
Conseil pratique: préférez la formulation «votre risque passe de 15% à environ 8%», plutôt que «le risque diminue de moitié».
4. Rendre les risques visibles
Graphique: Zikmund-Fisher BJ et al. (2025), JAMA Insights.
Les représentations graphiques facilitent la compréhension des probabilités – à condition de montrer le rapport entre la partie et le tout. Les tableaux d’icônes (par exemple 100 pictogrammes) ou les barres empilées, qui illustrent combien de personnes sur 100 sont concernées, sont particulièrement efficaces.
Conseil pratique: montrez toujours à la fois le numérateur et le dénominateur – c’est-à-dire non seulement les personnes malades, mais aussi celles qui ne le sont pas.
5. Donner du contexte plutôt que des valeurs brutes
Des valeurs comme l’HbA1c ou la créatinine ne parlent guère aux personnes non formées à la médecine. En revanche, lorsqu’une plage de référence ou un seuil clinique est précisé («De nombreux médecins ne s'inquiètent qu'à partir de 3,0 mg/dL»), les patients peuvent situer leur résultat sans crainte excessive.
Conseil pratique: indiquez visuellement les valeurs cibles et les seuils (par exemple à l'aide d'une échelle) pour offrir un repère clair.
Conclusion: une bonne communication des chiffres n'est pas accessoire, elle est au cœur de la prise en charge des patients. Elle renforce la confiance, réduit les erreurs d'appréciation et favorise la prise de décision commune (shared decision-making).