Acquitté après une complication grave: consentement éclairé au cœur du procès

À Lausanne, le procès entre un neurochirurgien et une patiente met en lumière les défis liés à la gestion des risques chirurgicaux et à la documentation du consentement éclairé.

, 5 février 2025 à 11:03
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Palais de justice de Montbenon qui accueille le Tribunal d’arrondissement de Lausanne | Image: Manoillon via Wikimedia Commons
Le Tribunal de police de Lausanne a récemment examiné une affaire sensible mettant en cause un neurochirurgien et sa patiente. Cette dernière souffrait d’un kyste sous la boîte crânienne, accompagné d’une fatigue intense persistante depuis plusieurs mois. Si le kyste a pu être retiré avec succès, l’intervention a pris une tournure dramatique: la patiente a subi une grave complication touchant son œil droit. Transférée en urgence à l’hôpital ophtalmique, elle a dû être opérée de nouveau, sans pouvoir éviter la perte de son œil.
Le procès, ouvert en janvier pour des faits remontant à 2015, ne se limitait pas à des accusations de lésions corporelles graves par négligence. Il portait également sur des soupçons de faux dans les titres et d’escroquerie. L’opération avait en effet été pratiquée sans consentement écrit préalable, bien qu'une consultation orale ait eu lieu. Ce détail est crucial: le consentement éclairé constitue une protection juridique essentielle pour le praticien en cas de complications. Pris de panique, le chirurgien avait rédigé de faux documents de consentement après l’intervention.

Tension entre dialogue et preuve écrite

Le médecin s’est défendu en affirmant: «Aucune personne au monde ne se fait opérer du crâne sans donner son consentement. Nous avons discuté des risques potentiels, et il est probable que j’aie mentionné des points allant au-delà de la documentation écrite.» Avant d’ajouter: «Les informations destinées aux patients doivent être complètes et préciser les risques, mais le médecin doit aussi savoir rassurer.»
Pour la patiente, les conséquences sont lourdes: douleurs liées au port de sa prothèse oculaire, réduction de son temps de travail, impact sur ses loisirs, etc. Elle témoigne: «Lors de la consultation, le docteur n’a évoqué aucun risque. Il m’a simplement rassurée en précisant qu’il avait déjà réalisé cette intervention. J’ai eu une totale confiance en lui. Si j’avais su qu’il existait le moindre risque, j’aurais consulté mes proches et demandé un second avis.»

Des risques inhérents à la pratique chirurgicale

Un cas complexe, où le débat réside également dans la gestion de la procédure. L’expert judiciaire chargé d’examiner le dossier rappellait que «toute intervention chirurgicale oblige à peser les risques et les bénéfices. En l’occurrence, mon confrère a fait un choix qui a eu des conséquences malheureuses, mais ce n’est qu’a posteriori que l’on peut en juger la gravité.»
Le neurochirurgien a finalement été acquitté de certains chefs d’accusation par la juge de police. Conformément aux conclusions du Ministère public, la complication a été considérée comme un aléa thérapeutique inhérent à la pratique chirurgicale et aucune violation des règles de l’art n’a été retenue. Le médecin a toutefois été condamné à 90 jours-amende avec sursis pour la falsification du formulaire de consentement.
L’avocat de la plaignante a d’ores et déjà annoncé son intention de faire appel de ce jugement.
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