«Certains médecins passent une grande partie de leur temps à établir des garanties de prise en charge»

Dans une interview accordée à CH Media, Arnaud Perrier, président de l’ASSM, appelle à rendre les médecins plus facilement joignables en dehors des heures de bureau, à adapter la formation médicale aux besoins réels et à réformer le système de contrôle des caisses maladie.

, 31 décembre 2025 à 10:42
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Arnaud Perrier, interniste et professeur aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a assuré la direction médicale des HUG pendant dix ans. Retraité depuis 2025, il est désormais président de l'Académie suisse des sciences médicales. Image: HUG
L’engorgement des services d’urgence est une problématique récurrente. La question d’une taxe pour les cas bénins est, une fois de plus, sur la table. Invité à s’exprimer sur le sujet dans une interview accordée au «St. Galler Tagblatt» (CH Media), l’interniste romand Arnaud Perrier, président de l’Académie suisse des sciences médicales (ASSM), y voit le symptôme d’un problème plus profond: une médecine de premier recours structurellement affaiblie.
Perrier appelle donc à un changement de mentalité. Selon lui, les médecins devraient être plus facilement joignables en dehors des heures de consultation classiques, c’est-à-dire tôt le matin, tard le soir et le week-end. Ce dispositif devrait être complété par des soins de base plus efficacement connectés à la télémédecine, des offres de conseil en pharmacie, ainsi qu’une répartition plus claire des tâches entre le corps médical et le personnel soignant.
Parallèlement, Perrier admet que l’allongement des heures d’ouverture toucherait surtout les professionnels de santé déjà fortement sollicités, en particulier les médecins de famille, les généralistes et les pédiatres.
Il demande donc une meilleure compensation financière: les professionnels de santé amenés à travailler le soir ou le week-end doivent être indemnisés de manière adéquate.

Système de contrôle des caisses maladie

Autre point critique: le système de contrôle des caisses d’assurance maladie, un dispositif qui, selon Perrier, s’est avéré être un échec. «Certains médecins passent une grande partie de leur temps à établir des garanties de prise en charge des coûts», déplore-t-il.
Une telle situation alimenterait un climat de méfiance – «les médecins se sentent fondamentalement soupçonnés d’abuser du système» – qui sape la motivation et provoquerait des départs de la profession. Il faut, selon lui, un système qui mise davantage sur la transparence et l’efficacité, et qui rétablisse la confiance entre les différents acteurs.

La santé dans la Constitution fédérale

À long terme, l’ASSM demande également que la santé soit ancrée dans la Constitution fédérale. L’accès à des soins médicaux adéquats serait même remis en cause dans un système de santé suisse pourtant très coûteux, explique Perrier. Selon un sondage réalisé en 2023, environ un quart de la population renonce à certains traitements pour des raisons financières.

Places d’études de médecine

Perrier estime également qu’il faut agir au niveau de la formation. Le nombre de places d’études de médecine, le choix des spécialités et la répartition des lieux de pratique devraient s’orienter davantage vers les besoins réels. S’il rejette la contrainte, il estime toutefois que les soins médicaux ne doivent pas uniquement suivre les préférences individuelles.


«Faut-il demander aux généralistes de travailler le soir et le week-end?», dans le «19h30» de la RTS, 30 décembre 2025.

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