«Satanic Panic»: 10'000 francs d'amende pour avoir manqué de surveiller son chef de clinique

Théories conspirationnistes et défaut de surveillance: le Tribunal fédéral a tranché. Une médecin-cheffe est tenue pour responsable des dérives de son chef de clinique. La fonction implique un devoir de contrôle.

, 24 mars 2025 à 12:05
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Le Tribunal fédéral à Lausanne | Image: Service de Presse, TF
Le Tribunal fédéral a confirmé la condamnation d'une médecin-cheffe et directrice médicale, dont la responsabilité avait été engagée par le canton de Thurgovie. L'affaire, largement médiatisée sous le nom de «Satanic Panic» à la clinique psychiatrique Clienia Littenheid, impliquait un chef de clinique de l’unité de thérapie des traumatismes. Celui-ci avait laissé les thématiques de la violence rituelle et du mind control s’immiscer dans les séances de thérapie, puis dans d'autres aspects du traitement. Des éléments conspirationnistes avaient été retrouvés dans plusieurs centaines de dossiers médicaux.
C’est ce que révélait un rapport publié par le canton de Thurgovie en décembre 2022. La clinique privée avait déjà licencié le chef de clinique ainsi que la médecin-cheffe six mois plus tôt.
Le département cantonal compétent avait ensuite infligé à cette dernière une amende de 10'000 francs, à laquelle s’ajoutaient 10'000 francs de frais de procédure, estimant qu’elle n’avait «pas exercé son devoir de surveillance conformément à ses obligations». La médecin-cheffe avait alors fait recours, et le tribunal administratif du canton lui avait donné raison, jugeant qu’aucune base légale ne permettait d’infliger une telle amende pour un défaut de surveillance de cette nature. La loi fédérale sur les professions médicales ne prévoit en effet rien de spécifique à ce sujet.

Un effet préjudiciable?

C’est le Conseil d’État thurgovien qui a porté l’affaire devant la plus haute juridiction du pays, redoutant un effet préjudiciable: si le jugement était maintenu, le devoir de surveillance du personnel médical risquait, de facto, d’être annulé. Il s’agissait également de déterminer si l’obligation d’exercer la profession avec soin impliquait un rôle de contrôle sur les chefs de clinique – et non seulement sur les médecins assistants.
Le Tribunal fédéral répond désormais par l’affirmative: en principe, c’est la structure organisationnelle qui détermine qui surveille qui. Cependant, dans le cas présent, les juges de Lausanne ont estimé que cette obligation de surveillance existait bel et bien.
Sur ce point décisif, le Tribunal fédéral est parvenu à la conclusion que la loi sur les professions médicales prévoit une obligation de surveillance, même si celle-ci n’est pas explicitement formulée. L’arrêt se réfère à l’article 40, qui établit un principe de responsabilité: les personnes exerçant une profession médicale universitaire doivent observer les devoirs professionnels suivants: «exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue».
Le recours du gouvernement thurgovien a ainsi été accepté, et l’affaire a été renvoyée au Tribunal cantonal pour un nouveau jugement.
  • Arrêt du Tribunal fédéral 2C_605/2023, 28 janvier 2025

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