«Les EMS pourraient être confrontés à des problèmes de capacité avant 2030»

Un rapport de l’Obsan alerte: les besoins en soins de longue durée vont fortement augmenter dans les quinze prochaines années. Malgré le virage vers les soins à domicile, la pression sur les EMS reste considérable.

, 15 septembre 2025 à 10:09
image
Alors que la population vieillit et que les soins se déplacent vers le domicile, les proches aidants sont de plus en plus sollicités | Image symbolique: Dominik Lange sur Unsplash
Face au vieillissement de la population, comment évolueront les besoins en soins de longue durée en Suisse? L’Obsan, l’observatoire suisse de la santé, vient de publier une étude actualisée sur la question, avec des perspectives allant jusqu’en 2050. Ses conclusions sont claires: le vieillissement rapide de la population et l’évolution des comportements en matière de prise en charge exerceront une pression croissante sur l’ensemble du système.
«L’analyse confirme que les besoins en soins de longue durée augmenteront fortement et rapidement au cours des quinze prochaines années et resteront élevés bien au-delà de l’horizon de cette étude», souligne l’Obsan. «Si la politique de prise en charge restait inchangée, les établissements médico-sociaux pourraient être confrontés à des problèmes de capacité avant 2030.»

EMS: moins d’entrées mais des cas plus lourds

Le recours aux établissements médico-sociaux (EMS) a diminué depuis la pandémie, et ce recul perdure. En parallèle, les personnes accueillies présentent des besoins en soins plus élevés, ce qui accroît la charge pour les équipes. L’offre de lits, quant à elle, tend à stagner, entraînant une diminution du nombre de places disponibles par habitant de 80 ans et plus.
Selon les projections de l’Obsan, les besoins en lits de long séjour devraient augmenter de 50% d’ici 2040. Concrètement, cela représenterait 36'900 lits supplémentaires, soit 626 nouveaux EMS à construire en 15 ans si la politique de soins reste inchangée. Cette projection a été légèrement revue à la baisse par rapport à celle de 2019 (soit 295 EMS de moins), mais le rythme de croissance demeure élevé.

Virage vers les soins à domicile

Parallèlement, le recours aux soins à domicile est en constante augmentation. La Suisse romande et le Tessin se distinguent en la matière, ayant déjà largement exploité le potentiel de transfert des cas les moins lourds vers le secteur ambulatoire. Les cantons alémaniques suivent progressivement la même voie.
À Genève et dans le canton de Vaud, la politique de soins accentue encore cette tendance: des équipes mobiles spécialisées interviennent auprès des patients complexes afin de leur permettre de rester chez eux ou dans des logements adaptés, libérant ainsi des places dans les EMS pour les cas les plus lourds.

Analyse en cluster: quatre groupes de cantons

image
Source: OFS – Statistique des institutions médico-sociales (SOMED), statistique de l'aide et des soins à domicile (SPITEX), statistique de la population et des ménages (STATPOP) / Évaluation Obsan 2025
Le rapport met ainsi en lumière d’importantes disparités entre les cantons. Dans les régions historiquement orientées vers le secteur stationnaire, la demande en soins à domicile devrait croître beaucoup plus fortement que dans les cantons déjà tournés vers l’ambulatoire. «Dans ces régions, les besoins en aide et soins à domicile pourraient augmenter d’un facteur 1,7, contre 1,5 dans les régions moins dépendantes des EMS», précise l’Obsan.
Cette transition s’accompagne de défis majeurs: notamment celui de trouver le personnel qualifié nécessaire pour assurer la prise en charge à domicile, dans un contexte où la pénurie d’infirmiers et d’infirmières s’aggrave. En outre, une telle prise en charge repose souvent sur la présence de proches aidants, eux-mêmes parfois éprouvés.

Des questions de fond pour la politique publique

Le constat de l’Obsan est clair: «Indépendamment des scénarios politiques, le besoin en soins augmentera dans toutes les régions et toutes les structures». Les autorités devront donc anticiper à la fois l’investissement dans les infrastructures, l’adaptation des politiques cantonales, la formation et le recrutement du personnel soignant.
En résumé ce sont:
  • + 50% de besoins en lits de long séjour d’ici 2040
  • 626 EMS supplémentaires nécessaires si la politique actuelle reste inchangée
  • Une hausse continue du recours aux soins à domicile
  • Une pénurie de personnel persistante et un rôle accru des proches aidants
Alors que la population vieillit, la Suisse se trouve face à un choix stratégique: investir massivement dans de nouvelles infrastructures ou réorienter plus encore les soins vers l’ambulatoire et le soutien à domicile. Dans les deux cas, la question des ressources humaines restera centrale.
Rapport de l'Obsan (en allemand)

  • soins
  • EMS
  • Soins de longue durée
  • obsan
  • Statistique
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Légère baisse du surpoids chez les enfants en Suisse

Le suivi de l’IMC révèle une légère diminution du surpoids chez les écoliers suisses. Pourtant, le risque demeure élevé chez les enfants issus de familles moins favorisées sur le plan éducatif.

image

Santé: en Europe, les Suisses font partie de ceux qui payent le plus de leur poche

En Suisse, se soigner peut vite gréver le budget. Malgré un système de santé performant, les ménages suisses sont parmi ceux qui paient le plus de leur poche en Europe, bien au-delà de la moyenne de leurs voisins.

image

Santé psychique: les Suisses, de plus en plus nombreux à demander de l’aide

Le monitoring 2025 de Promotion Santé Suisse révèle un décalage: si les Suisses parlent plus volontiers de santé psychique et acceptent mieux le soutien professionnel, la moitié ne sait pas comment préserver sa santé mentale.

image

Rééducation spécialisée: les besoins devraient fortement augmenter

Une étude prévoit une hausse de la demande de 40% au cours des 25 prochaines années, en particulier pour la rééducation gériatrique, musculo-squelettique et oncologique interne.

image

Soins: quand la sensation d’être débordé nuit plus que le manque de personnel

C’est un résultat contre-intuitif: une récente étude montre que le stress ressenti par les infirmiers et infirmières entraîne davantage de négligence que la surcharge réelle de travail.

image

Initiative sur les soins et hausse des primes: l’ASI dénonce une couverture médiatique trompeuse

Deux milliards de francs par an pour améliorer les conditions de travail dans les soins? Alors que certains médias présentent ce projet comme un «coup de massue», l’Association suisse des infirmières et infirmiers met en garde contre un débat faussé.

Du même auteur

image

L'Hôpital du Valais, un des trois établissements romands certifiés «trauma center»

L’Hôpital du Valais à Sion conserve sa certification de «trauma center». Seuls trois hôpitaux romands – le CHUV, les HUG et le CHVR – peuvent se prévaloir de ce label pour la prise en charge des traumatismes les plus graves.

image

Système d'information clinique: l'Hôpital fribourgeois opte pour KISIM de Cistec

L’HFR et le Réseau fribourgeois de santé mentale avaient lancé un appel d'offres pour un système d'information clinique moderne et bilingue: l'offre de la société zurichoise Cistec a été retenue – une première en Suisse romande.

image

GHOL: nouveau co-responsable du Service de médecine interne et des soins intensifs

Lionel Carrel est de retour au sein du Groupement hospitalier de l'Ouest lémanique en tant que médecin-chef co-responsable du Service de médecine interne et des soins intensifs.