Depuis 2019, la Suisse dispose de directives nationales concernant l'utilisation des antibiotiques en cas d'infections courantes telles que la sinusite, la pharyngite ou les infections urinaires. Celles-ci visent à standardiser les pratiques de prescription et à freiner l'émergence de germes résistants. Reste à savoir dans quelle mesure elles sont effectivement respectées.
Une étude initialement menée par l’Université de Lausanne a analysé 52'100 prescriptions d’antibiotiques. Ses conclusions sont sans appel: le potentiel d’amélioration reste important. Environ 18% des prescriptions chez les adultes, et 19% chez les enfants, ne correspondaient pas aux recommandations.
Les écarts les plus marqués concernaient la sinusite aiguë chez les adultes (39%) et la pharyngite chez les enfants (38%). D'autres tendances significatives ressortent également :
- Les médecins généralistes étaient nettement plus nombreux que les pédiatres à prescrire des antibiotiques en dehors des recommandations.
- Les praticiens de plus de 65 ans s’en écartaient près de trois fois plus souvent que leurs collègues de 31 à 45 ans.
- Les cabinets individuels semblaient plus concernés que les cabinets de groupe (bien que la portée statistique soit limitée).
- Les attentes des patients influençaient parfois les décisions: lorsqu’un patient était perçu comme favorable aux antibiotiques, les écarts aux directives étaient plus fréquents.
Recours aux traitements de deuxième intention
Il est également intéressant de noter qu’aucune différence significative n’a été observée entre les régions linguistiques. Cela contraste avec les différences bien documentées en matière de consommation globale d’antibiotiques entre les régions romandes et germanophones, ainsi qu'entre la France et l’Allemagne. En revanche, le «Röstigraben» s’estompe lorsqu’il s’agit du respect des recommandations.
Aucune variation notable n’a été relevée selon le sexe des patients, à l’exception de la pharyngite: dans ce cas, les antibiotiques non recommandés ont été moins souvent prescrits aux femmes qu’aux hommes.
Parmi les principales déviations aux directives figurait le recours à des antibiotiques à large spectre – comme les inhibiteurs de bêta-lactamase ou les macrolides – alors que ceux-ci ne sont indiqués qu’en seconde intention.
L’étude, qui portait sur la période 2017–2022, a toutefois mis en évidence une amélioration progressive après l’introduction des directives en 2019. Ainsi, la part des antibiotiques non recommandés a diminué de 48 à 39% pour la sinusite et de 19 à 15% pour la pneumonie. Chez les enfants, une baisse a été mesurée dans presque toutes les indications.
À noter toutefois: chez les adultes atteints de pharyngite, la proportion de prescriptions non conformes a légèrement augmenté, passant de 22% à 29%.
- En résumé: la mise en œuvre des directives nationales sur la prescription d’antibiotiques progresse lentement. Si des améliorations sont visibles, la pratique reste souvent en décalage avec les recommandations fondées sur des preuves, en particulier chez les médecins plus âgés, dans les cabinets de médecine générale et sous l’influence des attentes des patients.