Placebos en toute connaissance de cause: efficacité prouvée

Inutile de duper les patients pour qu’un placebo agisse. Une étude suisse révèle que même informés, les patients peuvent en tirer des bénéfices concrets.

, 10 avril 2025 à 22:03
dernière mise à jour le 10 novembre 2025 à 09:55
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Les médicaments sans effet pharmacologique peuvent s'avérer tout aussi efficaces lorsque les patients en sont informés |  Image: danilo.alvesd / Unsplash
Les placebos peuvent être efficaces même lorsque les patients sont pleinement informés qu’ils reçoivent un placebo. C’est ce que révèle notamment une étude publiée dans «BMJ Evidence-Based Medicine» et présentée sur «Medscape».
Lorsqu’un placebo est prescrit en toute transparence, on parle alors de placebo en aveu ouvert (open-label placebo). Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont testé ce type de placebo chez des femmes souffrant du syndrome prémenstruel (SPM), qui se manifeste par des symptômes physiques et émotionnels dans les jours ou semaines précédant les règles.
L’étude a porté sur 150 participantes réparties en trois groupes: un groupe témoin sans traitement, un groupe placebo sans explication, et un groupe placebo informé de l’efficacité démontrée des placebos contre le SPM selon des recherches antérieures.
  • Antje Frey Nascimento, Jens Gaab, Bojana Degen, Mareike Rytz, Anja Holder, Dilan Sezer, Sarah Buergler, Andrea H. Meyer, Irving Kirsch, Joe Kossowsky, Cosima Locher: «Efficacy of open-label placebos for premenstrual syndrome: a randomised controlled trial», in: «BMJ Evidence-Based Medicine», mars 2025.
  • doi: 10.1136/bmjebm-2024-112875
Les résultats ont montré une amélioration significative des symptômes chez les patientes ayant reçu une explication sur les effets du placebo. Cette présentation, d’environ 15 minutes, a été donnée par Antje Frey Nascimento, professeure de psychologie à l’Université de Bâle et responsable de l’étude.
Elle a notamment expliqué aux participantes que les placebos pouvaient être efficaces, que leurs effets étaient fréquents dans le cas du SPM, et qu’un mécanisme de conditionnement entrait probablement en jeu: depuis l’enfance, on associe la prise d’une pilule à un soulagement des symptômes. Cette association pourrait expliquer l’amélioration observée même avec un placebo. Les deux groupes placebo ont reçu les pilules deux fois par jour pendant six semaines.

80% de symptômes graves en moins

La prise d’un placebo accompagnée d’explications a entraîné une réduction de 79,3% de l’intensité des symptômes et une baisse de 82,5% de l’impact sur la vie quotidienne. En comparaison, les participantes ayant reçu un placebo sans explication ont rapporté une diminution de 50,4% de l’intensité des symptômes et de 50,3% de la gêne occasionnée. Le groupe témoin, sans traitement, a tout de même enregistré une réduction de 33% de l’intensité des symptômes et de 45,7% de l’impact sur la vie quotidienne.
Selon Nascimento, cette amélioration, même sans traitement, pourrait s’expliquer par le fait que les participantes tenaient un journal de leurs symptômes – ou encore par l’effet Hawthorne, un phénomène psychologique selon lequel les individus modifient leur comportement lorsqu’ils savent qu’ils sont observés.
Cependant, le placebo avec explication s’est avéré nettement plus efficace que l’absence de traitement ou le placebo administré sans information.

Un nouveau regard sur l’usage des placebos

Des études antérieures ont déjà montré que les placebos en aveu ouvert peuvent réduire le besoin de médicaments chez les enfants atteints de TDAH, et qu’ils peuvent également soulager les symptômes du syndrome de l’intestin irritable. La recherche suggère en outre un bénéfice – parfois modeste – pour d’autres affections comme certaines douleurs, la fatigue chronique, le rhume des foins, la dépression ou encore les bouffées de chaleur liées à la ménopause.
L’un des principaux avantages de cette approche: il n’est plus nécessaire de mentir aux patients. Ces résultats remettent en question les hypothèses traditionnelles selon lesquelles l’efficacité d’un placebo reposerai sur la tromperie, et ouvrent la voie à de nouvelles pratiques éthiques en médecine. Toutefois, à ce jour, la prescription officielle de placebos n’est pas encore autorisée.
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