Personnel soignant: entre besoins croissants et fortes disparités cantonales

Le monitoring de l’Obsan met en lumière un double défi pour les institutions de santé Suisse: recruter davantage et mieux retenir les soignants.

, 25 août 2025 à 13:54
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Comparaison intercantonale du taux de sortie du personnel soignant, en pourcentage | Graphique: OFS – Statistique administrative des hôpitaux (KS) et Statistique des institutions médico-sociales (SOMED) / analyse Obsan
L’Observatoire suisse de la santé (Obsan) vient de publier de nouvelles données sur l’évolution du personnel soignant. Ce monitoring national, basé sur des données collectées depuis 2018, analyse 25 indicateurs issus des objectifs fixés par l’initiative sur les soins infirmiers. Il dresse un constat préoccupant: le système de santé peine à retenir ses soignants et les besoins en personnel n’ont cessé de croître. L’un des enjeux: répondre à une demande croissante, en particulier dans les soins de longue durée.

Des départs importants dans certains cantons

Parmi ces indicateurs clés: le taux de sortie du personnel soignant, soit la part des personnes ayant quitté leur poste au cours d’une année. Avec 30,3% en Argovie (3’442 départs sur 11’362 soignants actifs l’année précédente) et 28,5% à Berne (6’379 départs sur 22’411 soignants), ces deux cantons affichaient les taux les plus élevés du pays en 2023.

Taux de sortie an % de l'effectif en personnel soignant en 2023

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Graphique: OFS – Statistique administrative des hôpitaux (KS) et Statistique des institutions médico-sociales (SOMED) / analyse Obsan 2025
À l’inverse, la Suisse romande semble mieux se porter: Genève (12,3%) et Neuchâtel (13,2%) présentent les taux de sortie les plus bas. D'autres cantons comme Fribourg (18,9 %) et Vaud (18,5 %) affichent des taux relativement bas. «Le taux de sortie rend compte de la capacité à retenir le personnel» – et donc de l’attractivité de la profession dans un canton donné, rappelle l’Obsan.
À noter: les données publiées concernent uniquement les hôpitaux et établissements pour personnes âgées. Les services d’aide et de soins à domicile, eux, ne sont pas inclus.

Une explosion des offres d’emploi

Deuxième signal inquiétant: la dynamique des annonces de recrutement. Selon les données du Jobradar Suisse 2024, au 15 novembre dernier, 8’623 postes infirmiers étaient mis au concours, faisant de cette profession la plus recherchée du pays. Entre 2018 et 2024, le nombre d’offres a bondi de 39,7%, soit 2’450 postes supplémentaires.
  • Santé: légère accalmie sur le marché de l’emploi, mais la pénurie persiste. Ces derniers mois, le nombre de postes vacants pour les infirmiers et les médecins a légèrement reculé. Toutefois, avec plus de 14'000 postes encore à pourvoir, le secteur de la santé reste sous forte pression.
La hausse a été particulièrement marquée entre 2024, avec un pic à plus de 9’500 annonces au troisième quartal 2024. Même si un léger recul est intervenu depuis, le niveau reste historiquement élevé.

Suisse centrale et orientale: forts besoins en personnel

Les besoins de recrutement ne sont pas uniformes. Les soins de longue durée affichent une tension plus forte que les hôpitaux, et les régions centrale et orientale concentrent les besoins les plus importants.

Taux d'offres d'emploi dans les institutions de santé en 2023 (soins de niveau tertiaire)

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Graphique: x28, OFS – KS, Statistique des SOMED et Statistique de SPITEX / analyse Obsan 2025
Ainsi la région lémanique enregistre un taux d’offres d’emploi (hors agences de recrutement) particulièrement bas (1%), contre 4,3% en Suisse centrale et 4,2% en Suisse orientale. Comment l’expliquer? Pour l’Obsan, ces disparités tiennent à plusieurs facteurs, dont un taux de rotation plus faible en Suisse romande, qui génère mécaniquement moins de postes à repourvoir.
En outre, les annonces ne reflètent pas toujours la réalité et peuvent mener à une sous-estimation des besoins réels. «Il tend à y avoir plus de postes vacants que de postes publiés», explique l’Obsan, du fait, par exemple, de recrutements en interne ou via les écoles de santé.

Le poids croissant des agences de recrutement

Plus de 60% des offres d’emploi passent désormais par des agences spécialisées, qui combinent placement et travail temporaire. Une évolution qui interroge: s’agit-il d’un relais pour les institutions de santé ou d’une concurrence directe, attirant les mêmes soignants par d’autres canaux? Quelle part le travail temporaire représente-t-il dans les annonces publiées par ces agences?

Nombre de nouvelles offres d'emploi au cours d'un trimestre (soins de niveau tertiaire)

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Graphique: x28 / analyse Obsan 2025
En parallèle, le premier trimestre 2025 montre un véritable bond dans la part des nouvelles offres d’emploi publiées par des agences spécialisées, passant de 62,4% fin 2024 à 79,7%.
Le recours à la main-d’œuvre étrangère suit également une tendance à la hausse: les autorisations frontalières pour du personnel infirmier intérimaire sont passées de 548 en 2014 à 904 en 2024.

Des enjeux stratégiques pour la Suisse

Au total, le monitoring de l’Obsan met en lumière une double réalité: d’un côté, des départs conséquents dans certains cantons, de l’autre, une demande croissante de nouveaux soignants. Les établissements, en particulier les hôpitaux et les EMS, semblent peiner à stabiliser leurs effectifs, tandis que les agences de recrutement s’imposent comme des acteurs devenus prépondérants.
Dans un contexte de vieillissement de la population, la question n’est plus seulement de former davantage d’infirmiers, mais aussi de créer les conditions pour les retenir durablement.
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