Nouvel hôpital pour enfants de Zurich: au cœur des controverses

Le «Kispi» zurichois aurait subi de lourdes pertes au cours des premiers mois de l'année 2025. La construction coûteuse d'un nouveau bâtiment est notamment pointée du doigt. Le problème se situe-t-il vraiment là?

, 25 juin 2025 à 09:19
image
Chambre de patient à l'hôpital pour enfants de Zurich | Image: DR
Est-ce vraiment une surprise? Le nouvel hôpital pour enfants de Zurich, aussi appelé «Kispi», a enregistré un déficit de 8 millions de francs au premier trimestre. Selon toute vraisemblance, la perte sera encore plus importante au deuxième trimestre.
C’est ce qu’a révélé récemment le «Blick», sur la base d’une communication interne adressée aux médecins de l’établissement.
L’explication avancée par le journal laisse perplexe: «Les frais de nettoyage, en particulier, dépassent largement le budget». Plus généralement, ce sont les coûts d’exploitation dans leur ensemble qui dépassent les prévisions.
Si l’on extrapole, la perte annuelle pourrait atteindre environ 35 millions de francs pour l’exercice 2025. Le gouvernement cantonal zurichois avait laissé entrevoir une aide exceptionnelle de 25 millions, mais cette somme risque de ne pas suffire.

Une architecture de luxe?

L’an dernier, le Kispi affichait déjà un déficit de 14,5 millions de francs – en tenant compte d'une contribution à fonds perdu de 35 millions du canton.
D’après les commentaires laissés sur les sites du «Blick» et du «Tages-Anzeiger», la cause paraît évidente aux yeux de nombreux lecteurs: la construction, jugée trop coûteuse, signée par le célèbre cabinet Herzog & de Meuron. Le projet a coûté 761 millions de francs. Le déménagement vers le nouveau bâtiment a eu lieu en novembre 2024.
Ce montant a en effet de quoi déséquilibrer les finances. À titre d’exemple, avec un coût d’utilisation des installations estimé à 6,5% (amortissement et rémunération du capital), cela représenterait près de 49 millions à amortir par an.
À comparer avec les 11,5 millions consacrés aux amortissements en 2023, dans l’ancien bâtiment.

Un nouveau bâtiment censé réduire les coûts

Autre repère: la marge Ebitda était de 0,5% l'année précédente. Certes, le déménagement de novembre a créé des charges exceptionnelles, mais ce chiffre prouve qu'il s'agit d'une base bien maigre pour maintenir à flot un tel hôpital à long terme.
Le nouveau bâtiment était pourtant censé améliorer l’efficacité des processus et permettre de soigner plus d’enfants à moindre coût, avec à la clé une amélioration du résultat de 20 à 25 millions de francs par an. En résumé, la promesse initiale était une réduction des coûts d’exploitation – ce qui, à l’épreuve des faits, semble loin d’être acquis, comme l’ont montré de nombreux projets hospitaliers comparables.
Les chiffres du premier trimestre indiquent déjà que l’établissement devra être soutenu, pendant un bon moment encore, par des dons, des aides publiques, ou par une réduction de ses fonds propres. «La situation financière est exigeante», explique-t-on au «Blick».

Quid de la situation tarifaire?

L'agitation médiatique semble se concentrer sur des aspects ne pouvant pas être modifiés à court terme. Le bâtiment est terminé, les coûts sont engagés. Mais la non-rentabilité de l’exploitation ne s’explique pas seulement par des choix architecturaux. La situation tarifaire pèse tout autant.
Ainsi, l’UKBB (l’Hôpital pédiatrique universitaire de Bâle) a également subi une perte de 9,8 millions en 2024. À Saint-Gall, l’Hôpital pédiatrique de Suisse orientale n’a pu afficher un résultat positif que grâce au soutien des cantons responsables et aux dons. Sans ces aides, la perte opérationnelle aurait atteint 11 millions.
Il y a un an, le directeur des finances zurichois, Ernst Stocker, affirmait déjà devant le Grand Conseil ne pas être satisfait de la situation du Kispi: «Mais on ne peut pas renoncer à ces prestations». Ce qui l’inquiète surtout: le Kispi prend en charge des enfants de toute la Suisse, alors que c’est Zurich seul qui en assume le fonctionnement.
Tant que la pédiatrie continuera de dépendre de tarifs trop bas, ce constat pourrait bien apporter une piste de réflexion pour l'avenir. Sans doute plus que de longs débats sur des erreurs de construction désormais irréversibles.
Kispi: Rapport des finances 2024
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

«Kidz»: Bâle lance un modèle d'hospitalisation à domicile en pédiatrie

Alors que la prise en charge d'enfants malades à domicile est déjà établie dans certains pays, Bâle ose désormais franchir le pas avec «Kidz», un nouveau projet pilote.

image

Helsana alerte sur la hausse des examens par TDM en Suisse

L’année dernière, plus de 600'000 personnes, soit près de 7% de la population, ont subi au moins un scanner du tronc. L’assureur s’inquiète de cette augmentation.

image

Septième cas mondial de rémission du VIH après une greffe de cellules souches

Un sexagénaire est considéré guéri du VIH. Selon des scientifiques berlinois, son cas est d’autant plus remarquable que les cellules souches transplantées n’étaient pas résistantes au virus.

image

Épilepsie et mort subite: «Une révolution culturelle s'impose»

Philippe Ryvlin, neurologue au CHUV, a identifié deux nouveaux facteurs de risque majeurs du décès soudain d’une personne atteinte d'épilepsie sans cause apparente. Interview.

image

RHNe: vers un seul site de soins aigus stationnaires?

En 2017, les Neuchâtelois avaient choisi de maintenir deux sites de soins aigus. Aujourd’hui, le Réseau hospitalier envisage de concentrer l’activité stationnaire aiguë sur un seul site, relançant ainsi le débat sur l’avenir de l’hôpital.

image

La CDS veut une attribution plus claire des prestations hospitalières

Les cantons entendent réorienter leur planification hospitalière et regrouper les offres spécialisées. Pour y parvenir, la CDS lance un plan en trois phases. Mais son application complète ne devrait pas intervenir avant au moins six ans.

Du même auteur

image

Urgences: pourquoi l'idée d'une taxe ne convainc pas – et ce qu'en disent les spécialistes

Alors que doivent débuter les débats au Conseil national, les médecins urgentistes mettent à nouveau en garde contre l'idée d'une «taxe pour les cas bénins». Ils proposent quatre alternatives concrètes.

image

Swiss Medical Network: Nello Castelli rejoint Pharmasuisse

L'actuel secrétaire général de Swiss Medical Network devient directeur des affaires publiques au sein de la Société suisse des pharmaciens.

image

La télémédecine pour soulager les cabinets: Sanacare et Medgate renforcent leur collaboration

En cas de manque de disponibilités, les cabinets de groupe Sanacare pourront bientôt faire appel à Medgate dans toute la Suisse: les assistantes médicales transmettront directement certains patients aux télémédecins.