Médecins assistants: quatre pistes pour sortir du surmenage

Stress, heures supplémentaires, manque de sommeil… et pourtant, ils tiennent bon. Une étude révèle les meilleures stratégies d'adaptation des jeunes médecins.

, 9 décembre 2024 à 11:28
dernière mise à jour le 25 février 2025 à 12:51
image
Image: Amirreza Jamshidbeigi sur Unsplash
Longues journées de travail, peu de soutien de la part de la hiérarchie, lacunes dans l'organisation, manque de repères, manque de considération: les griefs souvent exprimés par les médecins assistants suisses préoccupent tout autant les «internes» français. Chez nos voisins, les enquêtes menées auprès des jeunes médecins révèlent une charge de travail problématique à bien des égards.
Une enquête réalisée au printemps par l'association ISNI a révélé que les jeunes médecins hospitaliers travaillent en moyenne 59 heures par semaine. Cette surcharge de travail est directement liée à des problématiques telles que les démissions et le burn-out, tout aussi fréquentes dans l'Hexagone.
Pour mieux comprendre comment les internes français gèrent cette situation, une étude sociopsychologique leur a été consacrée. Les chercheuses en gestion et management Marie Cousineau et Adama Ndiaye ont d'abord mesuré le risque et le taux de burnout de 242 internes d'un groupe hospitalier régional. Elles se sont ensuite intéressées aux jeunes médecins qui ne présentaient aucun signe de surmenage, soit environ la moitié de la population interrogée. Une série d’entretiens a été menée pour explorer leurs stratégies d’adaptation et comprendre comment ils faisaient face aux difficultés.
  • Marie Cousineau, Adama Ndiaye: «Les remèdes des internes en médecine face à des conditions de travail difficiles», dans: «The Conversation», septembre 2024.
L'analyse d'Adama Ndiaye et de Marie Cousineau a mis en évidence quatre approches principales:
Se concentrer sur l'avenir, «Les projectionnistes». Ces internes trouvent un échappatoire mental en se tournant vers l’avenir, en envisageant par exemple un projet professionnel ou personnel. Certains mentionnent des séjours à l’étranger ou des perspectives après la fin de leur formation.
L’un d’entre eux explique: «Si j’arrive à ne pas être en souffrance, c’est parce que j’ai mon activité personnelle en médecine chinoise qui me donne un élan. J’ai des projets pour l’avenir, je suis déjà ouvert sur la suite.»
Les «conformistes». Malgré les difficultés éprouvées, ces internes considèrent leurs conditions de travail comme normales, voire comme nécessaires à leur progression. Pour eux, les journées de travail prolongées constituent un atout, puisqu'elles offrent une excellente opportunité de formation. Ils ne remettent pas le système en question.
Ainsi, un des participants témoigne: «Il n’y a jamais des moments où je me dis « mon dieu, j’ai trop de trucs à faire, je ne vais pas y arriver, je suis débordé par le travail », là ça ne m’arrive plus maintenant, ça m’est arrivé. J’arrive plus facilement à gérer plus de choses. Dans l’internat, il y a une courbe de progression. Il y a un moment où on ne sait pas. L’expérience venant, les choses se répétant c’est relativement un peu tout le temps pareil. On sait plus facilement vers quoi s’orienter, les gestes, on les fait plus vite, on a plus d’assurance, on se pose moins de questions.»
Les «internes» sont, dans le système médical français, équivalents aux médecins assistant.e.s de notre pays: Ils se situent à un niveau de formation qui suit la fin de la sixième année d'études et dure de trois à cinq ans.
«Les autoconnaisseurs», ou l'optimisation de soi. Ces internes voient dans la pratique de la médecine un moyen de mieux connaître leurs limites. Ils abordent les difficultés non pas comme un obstacle, mais comme un moyen de se développer et de se distinguer de leurs collègues. Ils peuvent par exemple chercher à se perfectionner dans un domaine afin d'aider et d'épauler les autres.
L’un d’eux confie: «Je pense que je suis assez utile parce que mon parcours atypique est une force extraordinaire que j’ai sous-estimée au début. Je n’ai pas les mêmes connaissances que les autres médecins, notamment en statistiques, donc je peux donner des conseils que même les chefs ne pourraient pas.»
Les «challengers». Ces internes adoptent une approche ludique de leur formation, transformant chaque journée en une série de défis.
Un des paricipants déclare: «Pour moi les urgences, c’est une sorte de jeu. Tous les jours je viens, un patient arrive qu’est-ce qu’il a ? Il faut que je trouve, c’est mon petit jeu ! Qu’ils ne disent pas merci derrière je m’en fiche, chaque patient c’est une épreuve pour moi de tester mes connaissances et de m’améliorer. Je deviens un meilleur médecin chaque jour. Ça me plaît et ça me suffit largement.»
Pour Marie Cousineau et Adama Ndiaye, ce modèle met en lumière plusieurs stratégies de résilience qui peuvent apporter des repères aux jeunes médecins : «Cette typologie montre que la connaissance de soi est une alliée qui permet d’adopter des stratégies pour faire face aux difficultés du terrain.» Avant d'ajouter: «Cette aptitude est une protection mentale permettant de gérer ses efforts et sa relation au travail.»
  • médecins
  • médecins assistants
  • burnout
  • monde du travail
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Salaires des diplômés des hautes écoles spécialisées: le secteur de la santé reste à la traîne

Le secteur de la santé reste nettement en dessous des autres en matière de rémunération des diplômés HES, et ce, malgré un léger rattrapage.

image

Travail temporaire: Swissstaffing gagne devant le Tribunal fédéral

Le Tribunal fédéral a annulé une réglementation du canton de Neuchâtel qui limitait de manière globale le travail temporaire dans les marchés publics.

image

La Société vaudoise de médecine a un nouveau secrétaire général

Gaël Saillen a été nommé secrétaire général par le Comité de la Société vaudoise de médecine (SVM) – il est entré en fonction le 1er mai.

image

Du changement à la présidence de l'ASMAC

Après presque cinq ans à la tête de l'Association suisse des médecins-assistant(e)s et chef(fe)s de clinique, Angelo Barrile cède la présidence à Severin Baerlocher.

image

Jennifer Diedler, un choix stratégique pour l’Hôpital de l’Île

Spécialiste en neurologie, forte d’une expérience en management hospitalier, Jennifer Diedler prendra la direction du groupe Insel. Tout porte à croire qu'elle est un bon choix.

image

À Zurich, les agences d'intérim annoncent leur contre-attaque

Face à la décision des hôpitaux zurichois de se passer du personnel temporaire, une riposte juridique s'organise: l'association professionnelle dénonce une entente contraire au droit des cartels.

Du même auteur

image

Les tarifs des laboratoires restent l'affaire de la Confédération

L'espoir d'une plus grande concurrence dans les tarifs des laboratoires médicaux s'est envolé: le Parlement maintient le système de prix fixé par l'Etat.

image

«Agir, maintenant»: les hôpitaux veulent une réforme des tarifs

L’association faîtière des hôpitaux H+ tire la sonnette d’alarme: sans compensation du renchérissement dans les tarifs, l’approvisionnement en soins risque de se déséquilibrer. Une initiative cantonale entend corriger le tir – mais suscite des résistances.

image

Épilepsie: un chercheur suisse primé pour ses travaux de prédiction des crises

En étudiant les modèles des crises d'épilepsie, Maxime Olivier Baud explore de nouvelles approches thérapeutiques. Le neurologue devient le premier Suisse à se voir décerner le prestigieux prix Michael.