Les programmes d'économies ne suffisent pas: l'année hospitalière en question

Coopérations, réduction de l’offre, optimisation des processus, fermetures, gel des salaires: en 2024, les hôpitaux publics de soins aigus ont multiplié les mesures pour affronter la crise financière. Bilan: on ne peut pas continuer ainsi.

, 14 août 2025 à 23:00
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Image: Ilya Chunin / Unsplash
Dans le paysage hospitalier, une année peut sembler une petite éternité. En 2023 encore, la situation paraissait désespérée: les rapports d’activité de nombreux hôpitaux suisses faisaient état d’une détresse économique – chiffres dans le rouge profond, déficits structurels, coûts en hausse, ambiance alarmiste.
Les rapports d’activité pour l’année 2024 sont désormais disponibles : une nouvelle analyse s’impose donc.
Et pourtant, le tableau apparaît plus positif. De nombreux hôpitaux de soins aigus ont à nouveau annoncé des chiffres noirs, les bilans ne sont plus aussi sombres et les marges se sont légèrement redressées.
Mais les apparences peuvent être trompeuses. Aucun changement structurel du système n’est en vue – et le sous-financement chronique reste l’épée de Damoclès suspendue au-dessus du secteur.
Medinside a analysé les chiffres de 45 hôpitaux publics de soins aigus et de grands groupes hospitaliers. Résultat principal: la marge d’Ebitda moyenne s’élevait à 4,3% en 2024 – une légère progression par rapport aux 3,2% de l’année précédente, mais toujours loin de la valeur cible requise.
Ces chiffres correspondent également à l’enquête récemment publiée par l’association Spitalbenchmark: selon celle-ci, la marge moyenne d’Ebitda était de 4,0% en 2024, contre 3,1% l’année précédente. Les trois quarts des 154 hôpitaux recensés affichaient une marge inférieure à 7,3%.
Les CFO des hôpitaux et les économistes de la santé estiment qu’un financement durable ne serait assuré qu’à partir d’une marge de 8 à 10%. Depuis l’introduction du nouveau financement hospitalier en 2012, ce seuil n’a jamais été atteint. Aujourd’hui encore, il n’est même pas à portée.
Et ce, malgré une série de restructurations, de coopérations, de fusions de départements, de fermetures, de délocalisations, de programmes d’économie et d’optimisations organisationnelles menés au cours des 18 derniers mois. Les institutions ont multiplié les initiatives pour réduire leurs coûts, démontrant que les plans de «remise en forme» ne suffisent pas.
En résumé: les forfaits par cas financent le fonctionnement courant des hôpitaux – mais pas leur infrastructure.

Le retard ne peut pas être comblé

Le problème est clairement visible dans les comptes annuels 2024: si le nombre de cas a augmenté, surtout dans le secteur ambulatoire, le chiffre d’affaires n’a progressé que de 3 à 4%. Dans le même temps, les frais de personnel ont bondi de 6 à 8%. Ainsi, le recul amorcé avec la poussée inflationniste de 2022 n’a pas pu être rattrapé.
D’autres indicateurs montrent qu’il ne s’agit pas d’un déséquilibre passager. Les hôpitaux sont lourdement endettés – la Banque cantonale de Zurich estime les emprunts en cours à plus de 3 milliards de francs – et leurs besoins en capitaux pour les investissements restent élevés (la ZKB les chiffre à 1,1 milliard de francs par an). Il y a un peu plus d’un an, le cabinet de conseil PwC estimait que les communes et les cantons devaient injecter plus d’un milliard de francs par an pour maintenir les hôpitaux à leur niveau actuel.

La stabilité par la taille

Les exemples de cette réalité ne manquent pas: contributions de soutien pour l’Hôpital pédiatrique de Zurich, parachute de secours dans le canton de Berne, aides communales (en discussion) pour les hôpitaux de Samedan et de Wetzikon, subventions à fonds perdus dans les Grisons, garanties publiques pour l’USZ ou l’hôpital de Männedorf. Sans oublier la hausse des taxes liées aux prestations d’intérêt général dans tout le pays.
Que faire? Dans les directions hospitalières, on mise sur la numérisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle pour rendre les processus plus efficaces et moins coûteux. Les effets restent modestes pour l’instant, mais des gains sont attendus dans les années à venir.
Parallèlement, de nombreux établissements explorent de nouveaux modèles d’exploitation: développement des soins ambulatoires, concentration sur les prestations de base rentables et abandon progressif des activités déficitaires, comme l’obstétrique. Les fusions stratégiques restent également à l’ordre du jour – la reprise récemment annoncée de l’Hôpital Clara par l’Hôpital universitaire de Bâle en est un exemple typique: la taille apporte de la stabilité.
Que reste-t-il donc de l’année hospitalière 2024? Un soupçon de soulagement, mais pas la fin de l’alerte.
Nous devons probablement nous préparer à voir le paysage hospitalier rester dans cet entre-deux pendant encore de nombreuses années.

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