Diagnostic: à Berne et à Bâle, l'IA renforce la cardiologie

Une équipe bernoise détecte les anomalies des artères coronaires grâce à l’IA, tandis qu’un cardiologue bâlois affine le diagnostic de l’infarctus du myocarde à partir des valeurs de troponine – un travail récompensé par le prix de la recherche de la Fondation de cardiologie.

, 8 avril 2025 à 06:23
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L'IA à la rencontre de la cardiologie: Jasper Boeddinghaus, USB et Christoph Gräni, Université de Berne | Images: DR
Un groupe de recherche de l’Hôpital de l’Île (Inselspital) et de l’Université de Berne a développé un outil d’intelligence artificielle capable de détecter et de classer avec précision les anomalies des artères coronaires sur les images de scanner. Ces anomalies passent souvent inaperçues à l’œil nu, mais elles peuvent entraîner une mort cardiaque subite ou un infarctus du myocarde, en particulier chez les jeunes. Près d’un tiers des décès inattendus de jeunes athlètes sont ainsi dus à de telles anomalies, explique un communiqué de l’Université de Berne.
L’équipe dirigée par Christoph Gräni et Isaac Shiri a utilisé une grande quantité d’images de scanner cardiaque pour entraîner un algorithme: au total, plus de 4'000 images CCTA de 2'400 patients ont été analysées, dont 335 présentaient une anomalie coronarienne.

Segmentation d’abord, classification ensuite

Dans cet outil d’IA, la première étape consiste à segmenter l’image, en séparant les structures anatomiques pertinentes des tissus environnants. Lors de l’étape suivante, celle de la classification, le système recherche les anomalies et détermine à partir de quelle zone de l’aorte émerge le vaisseau coronaire anormal, ainsi que son trajet.
Le modèle a été validé à l’aide de données externes, en collaboration avec l’Hôpital universitaire de Zurich, et testé sur un ensemble de données accessibles au public.
«L’algorithme basé sur l’IA reconnaît les malformations cardiaques directement dans les images et détermine automatiquement le type d’anomalie», explique Christoph Gräni. «Le modèle a fait preuve d’une précision étonnamment élevée, et a même pu identifier des cas limites sur lesquels même les experts n’étaient pas d’accord.»
Il pourrait ainsi être intégré aux flux de travail cliniques – par exemple en fournissant des alertes en temps réel pour les anomalies potentiellement à risque et en aidant les spécialistes de l’imagerie à poser un diagnostic clinique.
  • Shiri, I., Baj, G., Mohammadi Kazaj, P., Gräni, C. et al.: «AI-based detection and classification of anomalous aortic origin of coronary arteries using coronary CT angiography images», dans: «Nature Communications», avril 2025.
  • DOI: 10.1038/s41467-025-58362-9

Prix de la Fondation de cardiologie décerné à des cardiologues de l'USB

Le prix de la recherche 2025 de la Fondation Suisse de Cardiologie a été attribué à Jasper Boeddinghaus. Ce cardiologue de l’Hôpital universitaire de Bâle a développé un procédé permettant de diagnostiquer – ou d’exclure – un infarctus du myocarde de manière plus rapide et plus précise grâce à l’intelligence artificielle. Le test de troponine en constitue la base.
Aujourd’hui, un infarctus du myocarde est suspecté chez un grand nombre de patients, car les tests de troponine sont extrêmement sensibles. Ils reposent toutefois sur des valeurs seuils fixes, identiques pour tous les individus. Or, les personnes âgées, ainsi que celles souffrant de maladies rénales ou cardiaques chroniques, présentent souvent des taux de troponine durablement élevés, ce qui complique l’interprétation.
Jasper Boeddinghaus a donc mis au point un nouvel algorithme capable d’évaluer plus finement la probabilité d’un infarctus en tenant compte de ces variations. L’outil «intègre» différents facteurs susceptibles d’influencer les taux de troponine, tels que l’âge, le sexe, la fonction rénale, mais aussi les résultats de l’ECG.
L’IA, développée en collaboration avec une équipe de l’Université d’Édimbourg, a été entraînée sur les données de 20'000 patients. Résultat: le nouvel algorithme a permis de diagnostiquer les infarctus avec une fiabilité équivalente à celle des méthodes traditionnelles, tout en identifiant davantage de patients à faible risque, chez lesquels un infarctus peut être exclu.
Autre avantage: la procédure gagne en flexibilité. Jusqu’à présent, deux prélèvements de troponine effectués à des moments précis étaient nécessaires. Désormais, une seule mesure peut suffire, ou une seconde dans un délai de 24 heures.
Cette innovation devrait améliorer la prise en charge des patients aux urgences – tout en allégeant la charge des hôpitaux.
Pour ces travaux, Jasper Boeddinghaus reçoit le prix de la recherche de la Fondation de cardiologie, doté de 20'000 francs.

Détecter les troubles cardiaques: l’IA devance-t-elle le médecin? Hypertension, arythmies: deux nouvelles études montrent comment l’intelligence artificielle pourrait exploiter les données médicales existantes pour identifier plus tôt les patients à risque.

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