Détection précoce ou tardive: l’autisme a deux facteurs génétiques distincts

Une étude internationale publiée dans «Nature» révèle que l’âge du diagnostic d’autisme reflète deux profils génétiques et développementaux différents – remettant en question la vision d’un «trouble homogène».

, 6 octobre 2025 à 12:28
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L’autisme n’a pas qu'un seul visage: une étude montre que ses formes précoces et tardives diffèrent jusque dans les gènes | Image symbolique: Unsplash
Une étude internationale publiée dans «Nature» remet en question la compréhension actuelle de l’autisme. L'équipe de recherche dirigée par Xinhe Zhang et Varun Warrier (University of Cambridge) montre que l’autisme diffère, sur le plan génétique comme développemental, selon l’âge du diagnostic. L’âge de diagnostic serait en partie héréditaire – et pourrait à l’avenir aider à mieux comprendre la diversité du spectre.
  • Zhang, X., Grove, J., Gu, Y. et al.: «Polygenic and developmental profiles of autism differ by age at diagnosis», dans: «Nature», octobre 2025. DOI: 10.1038/s41586-025-09542-6
L’étude paraît dans un contexte de polémique relancée par Donald Trump, autour d’un lien de causalité supposé entre la prise de paracétamol pendant la grossesse et l’autisme.

Deux profils génétiques distincts

En s’appuyant sur des données provenant de plus de 45'000 personnes issues de cohortes internationales (iPSYCH, SPARK) et de quatre cohortes de naissance, l’équipe a identifié deux trajectoires développementales différentes:
  • Les enfants diagnostiqués tôt présentaient, dès la petite enfance, des troubles sociaux et communicatifs.
  • Les personnes diagnostiquées plus tard ne présentaient initialement aucun trouble, mais ont développé des difficultés émotionnelles et sociales croissantes à l'adolescence.
Sur le plan génétique, deux facteurs faiblement corrélés (rg ≈ 0,38) ont été identifiés: un «facteur précoce», associé à des retards de développement, et un «facteur tardif», présentant de fortes similitudes avec le TDAH, la dépression et le trouble du stress post-traumatique.
Ensemble, ces variantes génétiques expliquent environ 11% de la variance de l’âge au diagnostic. Les études antérieures avaient mis en évidence le rôle de facteurs sociaux, démographiques et cliniques, expliquant environ 15% de la variance.

Pas un seul trouble, mais plusieurs

Les résultats soutiennent le modèle développemental de l’autisme: les personnes diagnostiquées tôt et celles diagnostiquées tard appartiennent à deux sous-groupes distincts, tant sur le plan génétique que clinique.
«Il est temps de reconnaître que le terme “autisme” est devenu un fourre-tout pour différentes conditions», souligne Uta Frith (University College London) auprès du Science Media Center. «Si l’on parle d’“épidémie d’autisme”, d’“une cause de l’autisme” ou d’“un traitement de l’autisme”, il faut immédiatement se demander: de quel type d’autisme s’agit-il?»
«It is time to realize that ‘autism’ has become a ragbag of different conditions. If there is talk about an ‘autism epidemic,’ a ‘cause of autism,’ or a ‘treatment for autism,’ the immediate question must be, which kind of autism?» — Uta Frith, University College London.
Michael Absoud, du King’s College London, appelle pour sa part à la prudence: les données comportementales proviennent de petites cohortes de naissance et reposent sur les déclarations des parents, ce qui peut limiter la précision des profils développementaux décrits. Néanmoins, il estime que l’étude confirme que «l’autisme n’est pas seulement hautement héritable et qu’il recouvre un spectre de troubles, mais aussi que l’âge du diagnostic d’autisme est lui-même héritable».

Quelle portée pour la pratique clinique?

Pour les médecins et les cliniciens, ces résultats signifient qu’un diagnostic tardif peut refléter d’autres bases génétiques et un risque accru de comorbidités. Des dépistages répétés durant l’enfance et l’adolescence, ainsi qu’un suivi interdisciplinaire, demeurent essentiels.
L’étude souligne qu’il n’existe pas un seul tableau clinique de l’autisme, mais une pluralité de parcours génétiques et développementaux. À l’avenir, l’âge du diagnostic pourrait devenir un indicateur clé pour mieux reconnaître cette diversité – et ouvrir la voie à des approches thérapeutiques plus individualisées.

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