Le dépistage du cancer du sein en Suisse traverse actuellement une période difficile: dans le cadre de l’introduction du nouveau système tarifaire TARDOC, plusieurs assureurs-maladie ont résilié ou n’ont pas renouvelé les contrats existants avec les instituts de radiologie.
La SGR-SSR évoque des «baisses tarifaires dommageables» et met en garde contre le démantèlement de programmes ayant fait leurs preuves. De son côté, l’association des caisses-maladie Prio.Swiss exige que les radiologues «assument leur responsabilité médicale» et acceptent des tarifs plus bas. Ce différend révèle des lignes de fracture non seulement financières, mais aussi en matière de politique de santé.
Quelle est l'utilité réelle des programmes?
À la lumière du débat actuel, la question de l’utilité des programmes apparaît légitime. Un
rapport de suivi complet, publié en 2024, fournit des données concrètes à ce sujet.
Commandé par l’association Swiss Cancer Screening, ce rapport a été réalisé par le Centre universitaire de médecine générale et de santé publique (Unisanté) de Lausanne.
L’évaluation repose sur environ trois millions de données anonymisées, provenant de dix programmes couvrant 14 cantons (VD, VS, GE, FR, BE-JU-NE, TG, SG-GR, BE-SO, BS et TI) sur la période de 2019 à 2021. Elle cible les femmes âgées de 50 à 69 ans.
Qualité satisfaisante, malgré certaines limitations
Entre 2019 et 2021, 405'000 mammographies ont été réalisées dans le cadre des dix programmes régionaux de dépistage du cancer du sein – soit une moyenne annuelle d’environ 135'000 examens.
Chaque année, 239 cas de cancer du sein ont été détectés en moyenne chez les femmes participant pour la première fois à un dépistage organisé. Cela correspond à un taux de détection de 7,2 pour 1'000 examens. Chez les femmes ayant déjà participé à des séries précédentes (dépistage de suivi), ce taux était de 5,0 pour 1'000.
Le dépistage systématique du cancer du sein en chiffres | Source: Swiss Cancer Screening
Environ 70 à 73% des tumeurs détectées se trouvaient à un stade précoce (stade 0 ou I). Les programmes atteignent donc leur objectif principal: diagnostiquer le cancer du sein à un stade curable.
Le taux de précision (ou valeur prédictive positive) de la mammographie était de 7,4% lors des premiers dépistages (prevalent screens) et de 16,2% lors des dépistages répétés (incident screens). Autrement dit, lors des premiers dépistages, près d’un renvoi sur sept était une fausse alerte; lors des dépistages ultérieurs, environ un sur six correspondait effectivement à un cancer.
Dans le groupe d’âge des 70 à 74 ans, un cancer a été détecté dans 9,4 cas pour 1'000 dépistages – avec la valeur prédictive positive la plus élevée (VPP: 26,3%) et le taux le plus faible de faux positifs.
Faiblesses et défis
- La participation reste faible: seules 47% des femmes invitées, âgées de 50 à 69 ans, ont pris part à un dépistage entre 2019 et 2021. Dans les cantons sans programme organisé, la participation est encore plus basse – le dépistage y est pratiqué de manière opportuniste.
- La qualité des premiers examens varie fortement selon les cantons: seul le programme du canton de Berne a atteint les taux de renvoi recommandés par l’Union européenne pour les premiers dépistages. Ailleurs, ces taux étaient parfois nettement supérieurs, entraînant de nombreux examens inutiles.
- Le taux de réadhésion au dépistage était légèrement en baisse (77%) et nettement plus faible dans certaines régions, notamment à la suite des interruptions liées à la pandémie.