Quand les maladies virales réveillent les cellules cancéreuses dormantes

Une étude établit un lien de causalité entre infections respiratoires et réactivation de cellules tumorales dormantes. La grippe ou le SARS-CoV-2 pourraient ainsi favoriser la formation de métastases pulmonaires chez des patientes atteintes d'un cancer du sein.

, 5 août 2025 à 23:00
image
Image: Fusion Medical Animation / Unsplash
Les infections par le virus de la grippe A et le SARS-CoV-2 pourraient réactiver des cellules cancéreuses «dormantes» dans les poumons. C'est ce que montrent des chercheurs du Colorado dans une étude menée sur des souris et publiée dans la revue «Nature».
  • Chia, S.B., Johnson, B.J., Hu, J. et al.: «Respiratory viral infections awaken metastatic breast cancer cells in lungs», dans: «Nature», juillet 2025.
  • DOI: 10.1038/s41586-025-09332-0

Infections virales et métastases pulmonaires

Les animaux ont été génétiquement modifiés afin de développer un cancer du sein HER2+, dont les cellules se sont propagées dans les poumons, où elles sont restées inactives pendant un an. Après une infection virale, la charge métastatique a augmenté de 100 à 1'000 fois en quelques jours, sous l’effet de l’hormone inflammatoire interleukine-6 (IL-6) et d’une modification de l’activité des lymphocytes T auxiliaires. Ces derniers ont créé un environnement immunosuppresseur en inhibant les cellules tueuses qui, autrement, auraient éliminé les cellules tumorales.
«Les résultats présentés sont innovants et potentiellement très pertinents sur le plan clinique », commente le professeur Andreas Bergthaler de l’Université de médecine de Vienne dans le Science Media Center. « Bien que cette possibilité ait déjà été évoquée auparavant, les auteurs de l’étude actuelle démontrent un lien de causalité à travers plusieurs approches.»
Le professeur Carsten Watzl, de l’Institut Leibniz pour la recherche sur le travail, souligne également: «Ce qui est nouveau et intéressant ici, c’est que les infections respiratoires aiguës peuvent entraîner la formation de métastases en raison de la réaction inflammatoire qui les accompagne.» Il note toutefois que l’étude ne montre pas si les souris meurent plus tôt ou plus fréquemment de métastases. De plus, l’effet était nettement plus prononcé après une infection grippale qu’après une infection par le SARS-CoV-2, ce qui pourrait également être lié au modèle animal utilisé.

Indications épidémiologiques chez l'être humain

Afin de vérifier la pertinence des données issues de l’expérimentation animale pour l’être humain, les chercheurs ont également analysé des données de santé provenant de la UK Biobank et d’un registre américain sur le cancer du sein. Les patientes présentant une infection documentée au SARS-CoV-2 présentaient un risque accru de métastases pulmonaires. Cependant, après ajustement pour tenir compte des comorbidités, cette association n’était plus significative. Les auteurs en déduisent que la COVID-19 pourrait augmenter le risque de métastases chez les patients atteints de cancer, et que les mécanismes mis en évidence chez la souris pourraient jouer un rôle dans ce phénomène.
«Certains éléments indiquent que les résultats obtenus pourraient être pertinents pour l’être humain», explique Bergthaler. Les voies de signalisation de l’IL-6 sont en effet hautement conservées entre la souris et l’homme. Dans le même temps, «la validité et la robustesse de ces données restent à confirmer, notamment en ce qui concerne les périodes sélectionnées, les différents facteurs susceptibles d’influencer les résultats, l’ampleur des effets et d’autres éléments».
Le professeur André Karch, épidémiologiste à la clinique universitaire de Münster, se montre plus critique. Il met en garde contre des biais potentiels et le risque de causalité inversée : les infections pourraient être davantage une conséquence d’une activité tumorale non détectée que leur cause. «À mon avis, les analyses épidémiologiques présentées dans la publication ne permettent pas, pour les raisons évoquées, de tirer les conclusions avancées par les auteurs.»
  • soins aigus
  • Recherche
  • Oncologie
  • Cancer du sein
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Vaccins à ARNm: plusieurs millions de données pour rassurer les sceptiques

Une étude d’ampleur livre des résultats sur la sécurité des vaccins à ARNm contre le Covid-19. Résultat: une baisse significative de la mortalité liée à la maladie, et une surprenante réduction de la mortalité toutes causes confondues.

image

L'UNIGE signe une avancée majeure dans la lutte contre le diabète de type 1

Vivre avec un diabète de type 1 sans dépendre de l’insuline? C’est l’horizon qu’esquisse un consortium européen dirigé par l’Université de Genève, qui présente un pancréas bioartificiel aux résultats prometteurs.

image

Une étiquette intelligente pour sécuriser le transport des médicaments

Une équipe de l'Empa, de l'EPFL et du CSEM a développé une étiquette-capteur biodégradable capable de mesurer en temps réel la température et l'humidité – une innovation qui pourrait améliorer le suivi du transport de produits tels que les médicaments.

image

Les smartwatches rendraient les médecins plus résistants

Une récente étude livre des résultats surprenants: les médecins qui suivent leurs données de santé grâce à une montre connectée voient leur risque de burnout diminuer et leur résilience se renforcer.

image

«Kidz»: Bâle lance un modèle d'hospitalisation à domicile en pédiatrie

Alors que la prise en charge d'enfants malades à domicile est déjà établie dans certains pays, Bâle ose désormais franchir le pas avec «Kidz», un nouveau projet pilote.

image

Helsana alerte sur la hausse des examens par TDM en Suisse

L’année dernière, plus de 600'000 personnes, soit près de 7% de la population, ont subi au moins un scanner du tronc. L’assureur s’inquiète de cette augmentation.

Du même auteur

image

Septième cas mondial de rémission du VIH après une greffe de cellules souches

Un sexagénaire est considéré guéri du VIH. Selon des scientifiques berlinois, son cas est d’autant plus remarquable que les cellules souches transplantées n’étaient pas résistantes au virus.

image

Épilepsie et mort subite: «Une révolution culturelle s'impose»

Philippe Ryvlin, neurologue au CHUV, a identifié deux nouveaux facteurs de risque majeurs du décès soudain d’une personne atteinte d'épilepsie sans cause apparente. Interview.

image

Embouteillage pour l'obtention d'un titre: l'ISFM réduit les frais de moitié avec effet rétroactif

Suite aux interventions de plusieurs associations, l’ISFM réagit en réduisant temporairement de moitié les frais d’obtention d’un titre, avec effet rétroactif. Cette concession ne marque toutefois pas la fin du problème, bien au contraire.