Madame Schädeli, la médecine s’améliorera-t-elle si davantage de femmes occupent des postes de direction?
Oui, c’est clair. Les femmes dirigent différemment – et cela fait du bien à la médecine. Elles accordent plus d’importance à la communication, écoutent mieux, expliquent plus soigneusement et surestiment rarement leurs capacités. Elles sont moins orientées vers le risque, encouragent la coopération plutôt que la concurrence et privilégient la qualité au marketing personnel. Elles attirent ainsi des collaborateurs plus qualifiés et plus engagés. Lorsque davantage de femmes dirigent, la médecine devient plus humaine.
Et pourtant, en comparaison internationale, la Suisse a l’un des pourcentages les plus bas de femmes médecins occupant des postes de direction. Selon vous, quelles en sont les raisons?
Il y a plusieurs explications. L’une d’elles tient à la culture suisse: les mères qui travaillent sont encore rapidement considérées comme de «mauvaises mères», ce qui freine de nombreuses femmes médecins ayant des projets de famille. À cela s’ajoutent des structures hospitalières peu favorables à la vie de famille. Mais la culture médicale elle-même joue un rôle déterminant. Les femmes ne correspondent toujours pas à l’image traditionnelle de l’imposant «médecin-chef».
Sibyl Schädeli est coach de carrière et experte en matière de parcours féminins dans les hôpitaux, les universités et les administrations. Elle s’est spécialisée dans le développement de carrière et de leadership dans le secteur de la santé, ainsi que dans la gestion des jeux de pouvoir au sein des organisations.
Avant de se mettre à son compte, l’ethnologue a occupé pendant de nombreuses années des postes de direction dans les services du personnel de l’administration fédérale et de l’hôpital universitaire de Bâle, en dernier lieu en tant que responsable du développement du leadership.
Comment expliqueriez-vous cela plus précisément?
Beaucoup ont du mal avec les structures de pouvoir hiérarchiques et sont moins habitués à se positionner de manière visible dans un environnement compétitif.
Est-ce le résultat de structures rigides ou plutôt celui de choix de carrière individuels?
Ce sont les structures qui sont déterminantes, et non les décisions individuelles. Les femmes qui se lancent dans des études de médecine et dans l’assistanat sont ambitieuses et déterminées: elles aspirent à endosser des responsabilités. Or, elles se heurtent souvent à des obstacles: elles sont moins prises au sérieux, moins souvent considérées comme des successeures potentielles, et n’ont pas accès aux mêmes réseaux et alliances.
«Dans ce pays, les mères qui travaillent sont encore rapidement considérées comme de “mauvaises mères” – ce qui freine de nombreuses femmes médecins ayant des projets de famille.»
Les promotions se font souvent de manière informelle, à huis clos. Les femmes enceintes risquent de ne pas voir leur contrat renouvelé ou de ne pas avoir la chance d’accéder à des postes de direction. Ces obstacles structurels pèsent plus lourd que les décisions individuelles.
De nombreuses femmes médecins disent qu’elles n’ont «pas envie de prendre part à un jeu de pouvoir» – et se retirent.
De nombreuses femmes médecins sont peu familiarisées avec les structures de pouvoir. Lors de mes ateliers, je remarque souvent à quel point elles sont surprises lorsque nous abordons les règles non écrites qui régissent les systèmes hiérarchiques, par exemple qui s’assoit où ou qui parle en premier. Les hommes connaissent généralement ces règles de manière intuitive. Les femmes, en revanche, répondent souvent: «Je ne veux pas de jeux de pouvoir, je veux simplement faire du bon travail.»
Les femmes ne se battent-elles pas assez?
C’est toujours un sujet délicat lors de mes coachings. Certaines refusent consciemment, mais la peur, le rejet ou le manque de compréhension du fait qu’il faut s’affirmer dans de telles structures se cachent souvent derrière ces refus. La performance seule ne permet pas d’accéder aux postes à haute responsabilité.
Dans une interview accordée à Medinside, Susanne Renaud, médecin-cheffe, parle de liens privilégiés, de salaires opaques et de critères de sélection définis au masculin. Observez-vous des schémas similaires dans vos coachings? Oui, je vois ces schémas tout le temps. La personne qui obtient le poste est souvent connue depuis longtemps – c’est généralement un homme qui a de bonnes relations au sommet de la hiérarchie. Les procédures officielles sont régulièrement contournées et les ressources humaines sont rarement impliquées. Les salaires ne sont pas transparents. J’ai même connaissance de cas où des femmes médecins gagnent plusieurs dizaines de milliers de francs de moins que leurs collègues masculins. Celles qui négocient fermement obtiennent davantage, tandis que celles qui ne le font pas restent à la traîne. Beaucoup de mes clientes hésitent à parler de leur salaire. Les offres d’emploi elles-mêmes contribuent à ce phénomène: l’utilisation de termes à connotation masculine, comme «capacité à s’imposer» ou «force de décision», décourage souvent les femmes avant même qu’elles ne postulent.
Dans une interview accordée au «Tages-Anzeiger», vous avez déclaré qu'il ne fallait pas promouvoir les femmes, mais leur carrière. Qu'entendez-vous par là? La promotion des femmes sonne souvent comme un «nous devons leur venir en aide». Pourtant, les professionnelles auxquelles je m’adresse sont tout à fait capables de rivaliser avec leurs collègues masculins. Il ne s’agit donc pas de les encourager, mais simplement de veiller à ce que leurs carrières puissent effectivement se réaliser.
→ Suite dans la deuxième partie: ce qui freine les femmes, pourquoi beaucoup abandonnent – et comment les femmes parviennent à des postes de haut niveau