Un empire hospitalier sous pavillon MSC

Que cherche vraiment MSC avec Hirslanden? L’arrivée d’un géant de la navigation dans le secteur suisse de la santé intrigue et questionne: simple diversification stratégique, projet philanthropique, ou instrument de réputation?

, 2 décembre 2025 à 11:29
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Rencontre de chefs d'entreprise suisses avec Donald Trump à la Maison Blanche, 4.11.1015 – avec Diego Aponte (2e depuis la gauche) et Johann Rupert (4e depuis la droite) | Image: Partners Group
L’affaire a peut-être été conclue à Washington. Lors d'une réunion de dirigeants économiques suisses à la Maison-Blanche, Diego Aponte et Johann Rupert étaient assis aux côtés de Donald Trump. Le premier est un multimilliardaire et le président de la Mediterranean Shipping Company (MSC); le second est également un multimilliardaire et le président de Richemont.
Ensemble, les deux hommes – ou du moins leurs familles – détiennent le groupe Mediclinic. C'est d'un commun accord qu'ils auraient décidé d'en organiser la scission.
Les hôpitaux sud-africains Mediclinic passent entièrement sous le contrôle de la famille Rupert. En contrepartie, les cliniques suisses Hirslanden passent aux mains de la famille Aponte.
Dès lors, une question s’impose: que compte faire un géant du transport maritime et de la logistique comme MSC de cliniques privées telles que St. Anna à Lucerne, la Clinique des Grangettes à Genève ou la clinique Birshof?

Deux types de partenaires

MSC est en réalité dans la danse depuis 2022. À l’époque, l’entreprise avait racheté Mediclinic International, la maison mère de Hirslanden, dans le cadre d’un partenariat avec Remgro, la holding de Rupert. Mediclinic avait alors été évaluée à environ 4 milliards de francs. Une fois de plus, la famille Aponte s’est montrée évasive quant à ses intentions. Diego Aponte s’était contenté d’exprimer sa satisfaction: «MSC est très bien placé pour soutenir les ambitions stratégiques de la direction de Mediclinic, avec des capitaux à long terme, ainsi que nos connaissances et notre expérience dans la gestion d’affaires globales.»
L’opération devrait notamment profiter aux patients, au personnel et aux médecins de Mediclinic.
Concrètement, que signifie cette réorganisation? Si Mediclinic et MSC affirment partager certaines valeurs – ce que l’entreprise souligne explicitement dans une communication publique –, les points de convergence sont, pour le reste, ténus. À première vue, l’intégration d’un groupe de cliniques dans l’univers de la navigation a de quoi surprendre.
Il n’en demeure pas moins que la famille Aponte est déjà active dans un domaine connexe: celui des navires-hôpitaux, via la fondation MSC (également basée à Genève). Celle-ci a récemment annoncé son intention de construire, en collaboration avec l’organisation Mercy Ships, un navire-hôpital destiné à fournir des soins chirurgicaux au large des côtes africaines.

Deux types de voies de navigation

Force est de constater que les géants de la logistique portent un intérêt croissant au secteur de la santé. Depuis 2021, le groupe de diagnostics et de laboratoires Unilabs appartient ainsi à la holding Møller, contrôlée par la famille d’armateurs danoise à la tête de Maersk. La fondation Kühne, liée à Kühne+Nagel, s’est elle aussi engagée dans le domaine de la médecine: elle détient notamment la clinique de haute montagne de Davos ainsi que son campus médical.
Dans l’ensemble, Hirslanden pourrait toutefois constituer pour MSC moins une diversification hasardeuse qu’un complément stratégique – voire un instrument de réputation. Le contraste est saisissant: le transport maritime, cœur de métier du groupe, évolue dans un univers volatil, soumis aux cycles courts et à une logique impitoyablement capitaliste. À l’inverse, le secteur de la santé offre une stabilité rare, s’inscrit dans le très long terme et demeure étroitement encadré par la réglementation.
  • Le géant genevois du transport maritime reprend Hirslanden. Le plus grand groupe de cliniques privées de Suisse doit passer sous le contrôle du groupe MSC.

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