Les hôpitaux ne sont pratiquement plus en mesure de se financer uniquement par les tarifs. Or, la pression politique pour maintenir les établissements et éviter leur fermeture est considérable. Ainsi, cantons et organismes publics recourent à divers mécanismes de soutien: prêts avantageux, loyers réduits, indemnisations via des prestations d’intérêt général (PIG), ou encore diverses garanties.
Selon Ospita, l’association faîtière des cliniques privées, ces mécanismes créeraient un «désavantage» structurel pour les acteurs privés. L’argument repose notamment sur une étude réalisée à sa demande par des économistes de l’Université de Bâle (Felder, Meyer, Heinlin, 2025).
- Stefan Felder, Stefan Meyer, Yannic Heinlin: «Différences de tarifs et de financement entre hôpitaux publics et cliniques privées dans le secteur des soins aigus stationnaires 2013–2023». Étude menée pour Ospita – Les entreprises suisses de santé. Université de Basel, août 2025.
Un chiffre retient l’attention: en 2023, 3,6 milliards de francs ont été versés aux hôpitaux, en plus de leur financement régulier par les primes et les contributions. Au total, 77% de cette somme sont allés aux hôpitaux publics de soins aigus.
Les indemnisations PIG, soit les versements destinés par exemple à l’exploitation d’une centrale d’appel d’urgence, aux activités d’enseignement ou à des prestations de réserve, représentent la plus grande part: environ 2,8 milliards de francs en 2023.
À cela s’ajoutent des aides ponctuelles, comme les 240 millions de francs octroyés à l’hôpital cantonal d’Aarau, ainsi que des tarifs plus élevés. Selon le «moniteur de discrimination» d’Ospita, «les valeurs de base appliquées aux hôpitaux publics et subventionnés sont supérieures d’environ 350 à 400 francs à celles des cliniques privées».
Fait notable: les subventions cantonales ont fortement augmenté au cours des dix dernières années. La «bulle» de 2020 est devenue la nouvelle normalité. Mais là encore, ce déséquilibre entre établissements publics et privés n’est pas sans explication.
Une part importante des fonds est allouée aux hôpitaux universitaires, qui assument des tâches supplémentaires spécifiques. En outre, les petits établissements de soins primaires et les hôpitaux pédiatriques ont reçu des subventions particulièrement élevées de la part de certains cantons. Les hôpitaux pédiatriques bénéficient d'une protection spéciale de la part de la société (alors qu'ils sont plutôt mal financés en temps normal). Quant aux établissements de soins primaires, les gouvernements cantonaux justifient certaines contributions par le «maintien des capacités hospitalières pour des raisons de politique régionale».
«Les prestations d'intérêt général sont systématiquement mises au concours.» —Benjamin Mühlemann, président d'Ospita.
Les différences entre régions reflètent aussi des cultures politiques: en Suisse romande, les subventions sont particulièrement élevées (Genève: 8’200 francs par cas, Vaud: 6’250, Neuchâtel: 3’400, Fribourg: 3’200).
En revanche, les valeurs sont nettement plus basses en Thurgovie (qui possède un groupe d'hôpitaux cantonaux particulièrement rentables) avec 620 francs par cas, ainsi qu'à Zoug, en Appenzell et au Tessin.
L'association Ospita appelle ainsi les politiques à faire preuve de plus de transparence. Selon Benjamin Mühlemann, président d'Ospita, «les milliards de subventions croisées provenant de l'argent des contribuables pénalisent les hôpitaux qui travaillent de manière rentable. Cela fausse la concurrence.» Et d'ajouter: «Les prestations d'intérêt général doivent être systématiquement mises au concours et le rôle multiple des cantons – en tant que propriétaires, exploitants, autorités de surveillance et d'autorisation – doit être démêlé.»
Pour l'Ospita, il y aurait là de quoi débattre avec un peu plus d'ardeur politique des diverses aides cantonales: selon ses calculs, le subventionnement des hôpitaux publics correspond à environ 390 francs par an – soit à peu près à une 13ème prime d'assurance maladie.