Dans le cas des hôpitaux, des cabinets médicaux et des professions médicales et techniques, la réponse à la question du télétravail est souvent évidente.
Cependant, pour de nombreux postes et activités du secteur de la santé, cette question demeure pertinente en 2024: quelle part du travail peut être effectuée à distance? Quelle proportion doit être réalisée en présentiel?
Les départements des ressources humaines et les directions doivent généralement s'appuyer sur leur intuition pour répondre à cette problématique. En effet, les données disponibles sur les avantages et les inconvénients du télétravail par rapport à la présence obligatoire au bureau restent limitées.
Deux économistes de l'Université de Pittsburgh, Yuye Ding et Mark Ma, ont récemment apporté un éclairage précieux sur ce sujet. Ils ont analysé, en s'appuyant sur les données des 500 plus grandes entreprises cotées aux États-Unis, les diverses politiques de «retour au bureau» et leurs conséquences.
Plus précisément, les chercheurs ont identifié 137 entreprises qui ont réintroduit des obligations de présence après la phase de télétravail liée à la pandémie de Covid-19, entre 2020 et 2023. Ils ont également passé en revue toutes les études disponibles sur ce sujet.
- Première observation: les entreprises dont les performances boursières étaient négatives dans les mois précédant l’étude ont été les plus nombreuses à exiger un retour au bureau. Ces entreprises se trouvaient généralement dans une situation économique défavorable.
- Deuxième observation: les entreprises ayant réinstauré une obligation totale de présence étaient souvent dirigées par des CEO masculins. Selon les auteurs de l’étude, «il est fort probable que ces dirigeants cherchent à réaffirmer leur autorité sur les employés en imposant la présence au bureau».
Les chercheurs ajoutent: «Globalement, nos résultats ne confirment pas l’argument selon lequel ces mandats viseraient à promouvoir les valeurs de l’entreprise. Au contraire, ils suggèrent que les dirigeants utilisent ces mesures pour renforcer leur contrôle sur les salariés et leur faire porter la responsabilité des mauvaises performances de l’entreprise.»
Ding et Ma se sont également appuyés sur les données de plateformes d'évaluation, comme Glassdoor, afin d'étudier l'impact de la politique de télétravail sur l'image de l'employeur (Employer Branding).
- Troisième observation: Sans surprise, lorsqu'une entreprise réintroduit ou étend les obligations de présentiel, les indicateurs liés à la satisfaction au travail, à l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, à l'évaluation des cadres supérieurs et à la culture d'entreprise enregistrent une baisse significative.
En revanche, des variables telles que l'évaluation des salaires et des perspectives de carrière restent inchangées. En d'autres termes, l’obligation de présence a peu d’effet sur la perception globale de l’entreprise, mais nuit à des aspects essentiels comme la satisfaction des employés.
Une question essentielle demeure: quel est l’impact de ces politiques sur la productivité?
De nombreux directeurs des ressources humaines et managers s'attendent à ce que le retour des anciennes obligations de présentiel soit bénéfique pour l'efficacité et les performances de l'organisation. Cependant, la baisse de la satisfaction au travail, mentionnée plus haut, pourrait entraîner une baisse de la productivité.
Comme le montrent les analyses des économistes de Pittsburgh, cette question reste ouverte malgré l’intérêt croissant qu’elle suscite.
- Quatrième observation: lorsque les entreprises rétablissent la présence obligatoire, aucune différence significative n'est constatée en termes de rentabilité ou de performance boursière par rapport à celles qui maintiennent des politiques de télétravail.
En somme, la politique de télétravail d'une entreprise est plutôt révélatrice de la culture et du management de l'entreprise. Mais elle semble n’avoir que peu de liens avec le succès et la performance économique de l’organisation.