Recherche biomédicale: la Suisse privée de plusieurs millions de dollars américains

Les National Institutes of Health gèlent une large partie de leurs financements internationaux – une décision qui touche des dizaines d'organisations à travers la Suisse.

, 7 mai 2025 à 12:54
image
"America first": Donald Trump; Jay Bhattacharya, directeur du NIH | Images: Gage Skidmore CC BY-SA 2.0 / NIH.
Ce fut l’un des nombreux rebondissements de l’administration Trump, mais celui-ci est passé relativement inaperçu: jeudi, les Instituts nationaux de la santé (National Institutes of Health, NIH) ont annoncé qu’ils allaient suspendre en grande partie les nouvelles subventions destinées à des partenaires de recherche étrangers. En particulier, les participants à des partenariats de recherche ne seront plus autorisés à transférer de nouveaux fonds à des équipes situées à l’étranger.
Dans un communiqué, les NIH justifient cette décision par des considérations de sécurité nationale, du moins de manière implicite. En toile de fond, on soupçonne que des fonds des NIH ont été versés au désormais célèbre laboratoire de recherche biologique de Wuhan – l’installation soupçonnée d’être à l’origine de l’épidémie de Covid-19.
Un décret signé peu après par Donald Trump va dans le même sens: il interdit toute participation fédérale américaine à des projets dits de «gain de fonction» – c’est-à-dire des recherches impliquant la manipulation de virus ou d’autres agents pathogènes susceptibles de provoquer une pandémie.

Institut Paul Scherrer, Université de Berne, ...

Les coupes annoncées par les NIH devraient avoir un impact sur la recherche biomédicale dans le monde entier. En effet, cet institut est le plus grand financeur mondial dans ce domaine: quelque 35 milliards de dollars sont (ou étaient jusqu’à présent) alloués chaque année à des universités et instituts de recherche, y compris à l’étranger – notamment en Europe.
Parmi les organisations ayant reçu directement des fonds des NIH l’an dernier figurent l’Institut Paul Scherrer (400'000 dollars), l’Université de Berne (3,9 millions de dollars) ou encore l’Institut suisse de bioinformatique à Écublens (2,8 millions de dollars).
Mais cela ne s’arrête pas là. Il faut y ajouter des milliers de programmes des NIH dans lesquels une partie de la recherche est externalisée à des partenaires étrangers – c’est précisément ce type de collaboration qui se retrouve menacé. En 2023 (la dernière année pour laquelle des données sont disponibles), 4'800 projets financés par les NIH impliquaient des partenaires européens, selon des chiffres vérifiés par «Euronews». La liste est disponible ici.

... Université de Fribourg, Hirslanden

En Suisse, une centaine d’institutions étaient concernées: de l’Hôpital pédiatrique de Zurich à l’Hôpital cantonal des Grisons, de la clinique Hirslanden Im Park à la clinique Pallas, de l’Université de Fribourg à celle de Genève, en passant par Novartis et Roche.
L’Université de Lausanne collabore notamment à une recherche sur les origines génétiques du syndrome de Gilles de la Tourette, dirigée par la Rutgers University. L’Hôpital cantonal de Winterthur et la clinique Im Park participent à un projet sur le cancer piloté par le Brigham and Women’s Hospital de Boston. L’Université de Genève, quant à elle, fait partie de l’Antibacterial Resistance Leadership Group coordonné par la Duke University.
Les sommes provenant des États-Unis sont souvent relativement modestes, tempère l’immunologiste français Alain Fischer pour «Euronews»: en ce sens, la nouvelle politique est «plutôt symbolique». Même sans financement direct, de nombreuses formes de coopération restent envisageables. Néanmoins, cette décision américaine représente un obstacle supplémentaire à la coopération scientifique internationale, dans un contexte de forte concurrence pour les financements.
Les scientifiques et instituts européens peuvent certes continuer à solliciter un financement direct pour leurs projets – mais les succès sont rares, et cela risque de devenir encore plus difficile sous une nouvelle présidence Trump. Cette année, les NIH n’ont financé que 17 projets en Europe. Aucun d’entre eux n’est situé en Suisse.
  • Recherche
  • USA
  • Etats-Unis
Partager l'article

Loading

Commentaire

Plus d'informations sur ce sujet

image

Nanomédicaments pendant la grossesse: des résultats prometteurs

Développer des traitements sûrs pour la mère et le fœtus reste un défi médical majeur. En Suisse, des chercheurs étudient l’efficacité et la sécurité des nanozymes pour traiter certaines maladies pendant la grossesse.

image

Neurosciences: la Suisse mise à l'honneur outre-Atlantique

«60 Minutes», émission phare aux États-Unis, relaye une avancée prometteuse pour les personnes paralysées. Le programme a suivi les progrès de la recherche médicale suisse, portée par Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine au sein de Neurorestore.

image

Les jeunes adultes sont de plus en plus touchés par certains cancers

Une vaste étude américaine, portant sur plus de deux millions de cas de cancer chez les moins de 50 ans, révèle une tendance préoccupante: l’incidence de 14 types de cancer est en hausse. La mortalité reste relativement stable.

image

Des hôpitaux trop coûteux? La problématique se situe ailleurs

Une comparaison internationale révèle que la part des dépenses hospitalières en Suisse est non seulement faible, mais en déclin. Le raccourci «trop de stationnaire = système trop cher» ne tient plus.

image

La réanimation? Une personne sur deux dit non

Lorsque les patients sont informés des chances et des risques d'une réanimation, près de la moitié la refuse. C'est la conclusion d'une nouvelle étude menée sous la direction de l'Hôpital universitaire de Bâle.

image

Une avancée suisse contre les maladies cutanées

L’Empa développe une peau imprimée en 3D, à partir d’un hydrogel de gélatine de poisson – un modèle qui ouvre de nouvelles perspectives pour la recherche et le traitement des maladies de la peau.

Du même auteur

image

Les tarifs des laboratoires restent l'affaire de la Confédération

L'espoir d'une plus grande concurrence dans les tarifs des laboratoires médicaux s'est envolé: le Parlement maintient le système de prix fixé par l'Etat.

image

«Agir, maintenant»: les hôpitaux veulent une réforme des tarifs

L’association faîtière des hôpitaux H+ tire la sonnette d’alarme: sans compensation du renchérissement dans les tarifs, l’approvisionnement en soins risque de se déséquilibrer. Une initiative cantonale entend corriger le tir – mais suscite des résistances.

image

Épilepsie: un chercheur suisse primé pour ses travaux de prédiction des crises

En étudiant les modèles des crises d'épilepsie, Maxime Olivier Baud explore de nouvelles approches thérapeutiques. Le neurologue devient le premier Suisse à se voir décerner le prestigieux prix Michael.