Prédire la réussite des greffes pour mieux traiter les cancers du sang

Les paramètres KIR ont longtemps été sous-estimés dans l’optimisation des transplantations de cellules souches hématopoïétiques. Pourtant, ils jouent un rôle clé: c’est la conclusion d’une étude dirigée depuis la Suisse.

, 4 septembre 2025 à 00:00
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Cellules atteintes par une leucémie myéloïde aiguë (LMA) dans le liquide péricardique, observées à un grossissement de 400x après coloration à l'estérase | Image: National Cancer Institute / Unsplash
Chaque année en Suisse, environ 300 personnes atteintes d’un cancer du sang reçoivent une transplantation de cellules souches hématopoïétiques. Près de la moitié de ces interventions échouent toutefois en raison de complications, principalement liées à une compatibilité génétique imparfaite entre donneur et receveur. C’est précisément cette question – celle de la compatibilité optimale – qui mobilise sans relâche spécialistes et chercheurs.
Une étude menée par une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), en collaboration avec l’ensemble des centres suisses de transplantation de cellules souches hématopoïétiques, apporte aujourd’hui un nouvel éclairage.

«Un niveau de précision inédit»

Les chercheurs ont cherché à identifier les caractéristiques génétiques clés de la compatibilité des greffes. Comment? «En comparant, avec un niveau de précision génétique inédit, le profil de près de 1'250 binômes donneur/donneuse–patient/patiente aux résultats cliniques des transplantations», explique l’UNIGE dans un communiqué.
  • Schäfer A, Buhler S, Farias TDJ, Kichula KM, Baldomero H, Sollet ZC, Ferrari-Lacraz S, Micheli B, Masouridi-Levrat S, Mesquita V, Kürsteiner O, Nair G, Halter J, Güngör T, Schneidawind D, Chalandon Y, Passweg JR, Norman PJ, Villard J. «Integrating killer cell immunoglobulin-like receptor high-resolution genotyping for predicting transplant outcomes in allogeneic hematopoietic stem cell transplantation», dans «Haematologica», juillet 2025
  • doi: 10.3324/haematol.2024.287061
La réussite d’une greffe repose sur deux mécanismes: la régénération des cellules sanguines et l’action des cellules immunitaires contre la tumeur. Le système HLA joue ici un rôle central, en permettant au système immunitaire de distinguer les cellules normales des cellules malades ou étrangères. Mais l’efficacité du processus dépend aussi des récepteurs KIR présents sur les cellules greffées, qui interagissent avec les molécules HLA. Identifier les profils KIR les plus aptes à reconnaître les cellules cancéreuses reste un défi, en raison de la complexité et de la grande variabilité génétique du système HLA-KIR.
Les chercheurs ont ainsi réalisé un génotypage à haute résolution des gènes KIR des donneurs, atteignant – à leur connaissance – un niveau de précision jamais égalé. Ils ont ensuite analysé l’impact des interactions KIR-HLA en termes de survie, de progression du cancer et d’effets secondaires graves, comme les attaques de l’organisme hôte par les cellules transplantées.

Paramètres KIR: un rôle trop souvent sous-estimé

Les résultats sont sans équivoque: le système de gènes KIR apparaît comme un déterminant clé de l’issue du traitement. Pour Antonia Schäfer (UNIGE), première auteure de l’étude, ces données «démontrent que la sélection des meilleures cellules doit reposer non seulement sur la compatibilité HLA, comme c’est le cas actuellement, mais aussi sur les paramètres KIR, dont le rôle a jusqu’ici été largement sous-estimé».
Les auteurs appellent donc à généraliser le génotypage KIR haute résolution, «afin de choisir la meilleure personne pour chaque malade et ainsi améliorer les chances de survie après transplantation».
«Lorsque les patient·es n’ont pas de fratrie compatible, les médecins font appel aux registres nationaux ou internationaux, qui comptent près de 40 millions de volontaires. Cette découverte permettra d’identifier les profils immunogénétiques optimaux», conclut de son côté l’UNIGE.
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Jean Villard (à gauche), directeur des travaux de recherche, professeur à Faculté de médecine de l’UNIGE et responsable de la Plateforme des laboratoires de thérapie cellulaire et de transplantation des HUG. Antonia Schäfer, médecin chercheuse dans le laboratoire du Pr Villard et première auteure de l'étude.

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