C’est une avancée majeure vers la reconnaissance d’un droit à l’aide à mourir en France: une proposition de loi en ce sens a été adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 27 mai, par 305 voix pour, 199 contre et 57 abstentions.
Après deux semaines de débats et plus de 2'600 amendements déposés, l’hémicycle était presque au complet le jour du vote, avec plus de 560 députés présents sur 577.
La règle: l’autoadministration
Ce «droit à l’aide à mourir» permet à une personne gravement malade, qui en exprime la volonté, de s’administrer une substance létale, ou de se la faire administrer si elle est physiquement incapable de le faire. C’est là la particularité du texte: l’autoadministration est la règle; l’intervention d’un professionnel de santé constitue l’exception. Les termes «suicide assisté» ou «euthanasie» ne figurent d’ailleurs pas dans le texte.
Pour faire valoir ce droit, cinq conditions cumulatives doivent être remplies:
- être majeur;
- souffrir d’une affection grave et incurable engageant le pronostic vital;
- être en phase avancée ou terminale;
- éprouver une souffrance physique ou psychologique constante, réfractaire aux traitements, ou jugée insupportable par le patient (à l’exclusion des souffrances psychologiques seules);
- et être en capacité d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée.
Une procédure strictement encadrée
La procédure se déroule en plusieurs étapes. Le patient formule d’abord sa demande auprès d’un médecin, qui rend un premier avis. Un délai minimal de deux jours est ensuite observé pour permettre au malade de confirmer sa décision. Le médecin doit également réunir un collège composé d’au moins un membre de l’équipe soignante et d’un spécialiste. Ce collège dispose de quinze jours pour se prononcer.
Le texte prévoit en outre une clause de conscience pour les professionnels de santé qui refuseraient de participer à la procédure. Ceux-ci devront toutefois orienter leur patient vers un confrère.
Par ailleurs, la proposition de loi crée un délit d’entrave à l’aide à mourir, défini comme «le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen», que ce soit en ligne, sur les lieux concernés ou via des pressions exercées sur les patients, les soignants ou leur entourage. Les peines prévues ont été durcies: jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30'000 euros d’amende.
Une loi entre espoirs, prudence et oppositions
Pour les partisans du texte, il s’agit d’un tournant historique. Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), y voit «l’espoir d’une fin de vie maîtrisée, épargnée des souffrances inapaisables et des agonies inutiles».
Mais la loi suscite aussi de vives inquiétudes. La Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), à la tête de l’opposition, déplore «un changement fondamental de la mission des soignants». Sa présidente, Claire Fourcade, met en garde: «Ce texte ne répond pas à des situations d’exception, mais instaure une nouvelle norme du mourir», dans un contexte où «l’offre de soins est terriblement déficiente», ce qui ne permettrait pas, selon elle, un réel libre choix.
Et maintenant?
Le parcours législatif est loin d’être achevé. Le texte doit encore être examiné par le Sénat à l’automne 2025, avant une éventuelle seconde lecture à l’Assemblée nationale. Le droit à l’aide à mourir n’est donc pas encore inscrit dans la loi, mais la France a franchi un seuil symbolique dans un débat éthique de longue date.
«Fin de vie: l’Assemblée nationale adopte la proposition de loi créant un droit à l’aide à mourir» – par le journal «Le Monde»