Inégalités sociales et Covid-19: qui sont les victimes de la pandémie?

Difficultés financières, faible niveau d'éducation, isolement: ces facteurs ont considérablement accru le risque de mortalité durant la pandémie, en particulier en Europe de l'Est. C’est ce que révèle une vaste étude dirigée depuis Lausanne.

, 31 juillet 2025 à 23:44
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Image symbolique: Markus Spiske / Unsplash
La pandémie de Covid-19 a bouleversé les systèmes de santé européens, mais tous les citoyens n'ont pas été affectés de la même manière. Une étude publiée dans le «International Journal of Public Health» et dirigée par Paola Sillitti (Université de Lausanne, CHUV) montre que les inégalités sociales ont été un facteur déterminant de la mortalité pendant cette période.
Pour la première fois, le lien entre le statut socio-économique et les causes de décès a été analysé de manière systématique dans 28 pays européens, à partir des données de l’enquête SHARE (Survey of Health, Ageing and Retirement in Europe).

Qui ont été les plus vulnérables?

L’analyse de 7'137 décès de personnes âgées de plus de 50 ans entre 2018 et 2022 révèle que certains groupes ont été particulièrement touchés pendant la pandémie. Les hommes, les personnes âgées, les individus sans partenaire, ceux ayant des difficultés financières ou un faible niveau d’éducation, ainsi que les habitants d’Europe de l’Est, ont connu des taux de mortalité significativement plus élevés.
Alors que de nombreuses études se concentrent sur quelques pays, ce travail offre une comparaison à l’échelle européenne. Fait marquant: les personnes ayant de grandes difficultés à joindre les deux bouts présentaient un risque de décès nettement accru pendant la pandémie – non seulement à cause du Covid-19, mais aussi d’autres maladies respiratoires et infectieuses.
La Suisse faisait partie de l’étude, qui a été réalisée avec le soutien financier du Centre suisse d’expertise en sciences sociales (FORS). Ses conclusions concernent donc également les décideurs politiques suisses.

Divergences géographiques

Autre constat frappant: un gradient géographique net apparaît. Les populations d’Europe de l’Est – en particulier en Bulgarie, Pologne, Slovaquie ou République tchèque – ont été touchées de manière disproportionnée par les décès liés au Covid. D’après les chercheurs, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer: un accès plus limité aux services de santé, des mesures de protection introduites plus tardivement (comme le confinement ou le port du masque), et un taux de vaccination plus faible.

Les données de fin de vie, une ressource précieuse

Outre les données recueillies auprès des personnes décédées elles-mêmes avant leur décès, l’étude s’appuie également sur des «entretiens par procuration» – réalisés avec des proches dans le cadre de l’enquête SHARE. Ces entretiens permettent d’obtenir des informations précieuses sur l’état de santé, les soins reçus et la situation sociale des personnes en fin de vie.
Les résultats sont clairs: les inégalités sociales se reflètent fortement dans les statistiques de mortalité. Les chercheurs appellent donc à tirer les leçons de cette crise. À l’avenir, les plans d’urgence et les systèmes de soins devront être pensés de manière à protéger et accompagner efficacement les groupes les plus vulnérables – à chaque étape de leur vie.
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