Les tribunaux sont régulièrement appelés se prononcer sur des questions complexes: qui doit être tenu pour responsable lorsqu’un patient subit un préjudice en milieu hospitalier ou en cabinet médical?
Mais une question mérite d’être posée: une procédure judiciaire est-elle toujours la meilleure voie à emprunter lorsqu’un incident survient? Un documentaire diffusé par
«Arte» met en lumière une approche différente adoptée au Danemark, où d’autres solutions ont été trouvées pour venir en aide aux patients concernés.
Le pays a fini par conclure que les recours en responsabilité civile impliquant des médecins présentaient tant d’inconvénients qu’il valait mieux s’en détourner au profit d’un système d’indemnisation publique des patients.
Chaque année, environ 3'000 patients reçoivent une indemnisation, non seulement pour des erreurs médicales, mais aussi pour des complications rares, sans qu’aucune des parties impliquées ne soit nécessairement reconnue coupable.
Approche transparente des erreurs
« Ce qui est génial, c'est qu'un médecin peut conseiller de bonne foi un patient de nous demander l'indemnisation s'il constate un préjudice causé par lui-même ou par un confrère – sans craindre une procédure disciplinaire », explique Karen-Inger Bast de l'organisme responsable du programme.
La gynécologue Jeannett Strandbygaard, du Rigshospitalet de Copenhague, souligne que les patients apprécient particulièrement l’honnêteté avec laquelle elle leur explique ce qui, dans une intervention, n’a pas fonctionné comme prévu. Pour elle, reconnaître ses erreurs est une démarche naturelle. Elle prend le temps d’enregistrer chaque incident dans la base de signalement des erreurs de l’hôpital. «Ça n’a rien de punitif, nous le faisons en toute confiance. Ce serait étrange de ne pas signaler un problème.»
Le responsable des risques Mark Krasnik insiste sur la nécessité de résoudre rapidement les problèmes liés à la sécurité des patients. Selon lui, les procédures judiciaires sont souvent trop longues et ne permettent, une fois achevées, que de tirer peu de leçons concrètes. Chaque année, il évalue ainsi environ 4'000 déclarations d’erreur médicale au Rigshospitalet.
Et si l’on s’intéressait aux conditions de travail?
Dans de nombreux pays, les procès en responsabilité médicale ne visent pas en premier lieu à comprendre les causes des erreurs et à y remédier. Tim Neelmeier, juge en Allemagne, déplore que l’on se focalise trop souvent sur les actions individuelles des médecins et du personnel soignant, sans chercher à savoir si l’erreur découle d’un manque de personnel, d’une surcharge de travail ou d’une fatigue excessive.
«Les personnes responsables des conditions de travail ne sont presque jamais incriminées dans le cadre d'un contentieux», critique-t-il. Or, en Suisse, il est régulièrement constaté que ces conditions ne posent pas seulement problème pour les soignants, mais aussi pour les patients. «S'il n'y a pas d'initiation et que personne ne vous assiste vraiment, les erreurs sont inévitables».
Dans une enquête de
« 20Minuten », une jeune médecin-assistante témoigne de conditions de travail extrêmes dans un hôpital suisse. Après une seule journée d’initiation, elle s’est retrouvée à devoir gérer jusqu’à 18 patients en toute autonomie.
La France aussi réagit rapidement
En France, un fonds d’indemnisation pour les cas de rigueur, l’
ONIAM, existe depuis 23 ans pour les patients ayant subi des dommages particulièrement graves. Toutefois, il n’intervient que lorsqu’il s’agit d’une complication sans erreur médicale. Dans le cas contraire, c’est l’assurance du médecin qui prend en charge l’indemnisation. En 2023, 1'300 patients ont ainsi été indemnisés.
ARTE Regards: Erreurs médicales – Le combat des victimes. Durée: 51:58.