Une récente étude s’est penchée sur une problématique de santé publique majeure: comment cibler efficacement les agents pathogènes présents parmi les bactéries de l’intestin?
Ces agents peuvent devenir particulièrement dangereux en cas d’affaiblissement du système immunitaire, de lésions de la paroi intestinale ou encore s’ils pénètrent dans la circulation sanguine via des plaies. De telles situations peuvent conduire à une septicémie ou à une inflammation des organes, mettant potentiellement la vie en danger.
Jusqu’à présent, de nombreux chercheurs se sont consacrés au développement de vaccins contre ces agents pathogènes intestinaux, notamment en raison de la résistance croissante de certaines souches aux antibiotiques.
Lentsch V, Woller A, Rocker A, Aslan S, Moresi C, Ruoho N, Larsson L, Fattinger SA, Wenner N, Cappio Barazzone E, Hardt WD, Loverdo C, Diard M, Slack E.
Vaccine-enhanced competition permits rational bacterial strain replacement in the gut. Science. Avril 2025
Une équipe internationale, réunissant notamment Emma Slack, professeure à l’ETH Zurich et à l’Université d’Oxford, ainsi que Médéric Diard, professeur au Biozentrum de l’Université de Bâle, a obtenu des résultats prometteurs.
Leurs travaux, publiés dans la revue spécialisée «Science», dévoilent les premiers effets de tests menés sur des souris. Les chercheurs y ont mis au point des vaccins oraux efficaces contre certains agents pathogènes intestinaux. La méthode repose sur une stratégie originale : associer le vaccin à l’administration de bactéries bénignes capables de concurrencer les agents pathogènes et de les priver de nutriments.
Bactéries concurrentes pour affamer les pathogènes
Pour maximiser l’efficacité du traitement, les scientifiques ont sélectionné ou produit des souches bactériennes concurrentes adaptées. Celles-ci doivent pouvoir se développer dans des conditions similaires à celles des agents pathogènes et coloniser la même zone intestinale.
Cette approche combinée s’est révélée capable d’empêcher la colonisation de l’intestin par les salmonelles, d’éliminer des bactéries déjà installées, et de lutter efficacement contre certaines souches d’E. coli.
Ni le vaccin seul, ni l’administration de bactéries bénignes isolées ne se sont montrés aussi efficaces que leur combinaison.
Dans le cas de
Salmonella, les chercheurs ont pu créer par génie génétique une souche concurrente, utile lorsque l’organisme du patient ne possède pas naturellement de souches bénéfiques adaptées. «En administrant ces souches en même temps que le vaccin, cette nouvelle approche pourrait offrir une bonne protection aux personnes qui ne disposent pas de microbiote concurrent efficace», explique un
communiqué de l’ETH Zurich.
Lutter contre l'antibiorésistance
Un avantage majeur de cette stratégie réside dans sa capacité à évincer les agents pathogènes sans recourir aux antibiotiques – une avancée d’autant plus cruciale face à l’antibiorésistance.
«Cette approche pourrait permettre d’éliminer les bactéries pathogènes, y compris les souches résistantes aux antibiotiques, dans l’intestin des patients avant une intervention chirurgicale. Elle serait particulièrement précieuse, par exemple, avant une transplantation, lorsque les patients doivent suivre un traitement immunosuppresseur», conclut l’ETH.
Des essais cliniques sur l’être humain devront encore confirmer l’efficacité de cette stratégie.