Don d'organes après un suicide assisté: l'ASSM appelle à un débat élargi

L'Académie suisse des sciences médicales aborde les enjeux éthiques, juridiques et organisationnels – notamment pour les professionnels de santé.

, 9 juillet 2025 à 12:29
dernière mise à jour le 8 septembre 2025 à 07:06
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L'assisance au suicide, une question chargée éthiquement: les actrices Tilda Swinton et Julianne Moore dans «The Room Next Door» | Image: Warner Bros
L'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) a publié une prise de position sans précédent sur le don d'organes après suicide assisté.
Selon la Commission centrale d’éthique (CCE), ce domaine est particulièrement sensible sur les plans de l’éthique médicale et du droit, et soulève de nombreuses questions inédites, notamment sur l’autonomie des patients et la vision que le personnel médical a de ses responsabilités.
Certains hôpitaux reçoivent de plus en plus de demandes de personnes souhaitant faire don de leurs organes après un suicide assisté. D’un point de vue strictement médical, il s’agit d’un don d’organes après un arrêt circulatoire («Donation after Circulatory Death», DCD).
Condition préalable: la personne souhaitant se suicider doit s’administrer elle-même le produit euthanasiant, le pentobarbital de sodium. En outre, le décès doit être constaté à l’hôpital, dans des conditions clairement définies, en présence de personnel spécialisé et après une concertation préalable avec le ministère public.

Mise en garde contre de possibles conflits d'intérêt

Un don d’organes après assistance au suicide peut, en principe, représenter une forme particulièrement manifeste de décision autonome – à la différence de la volonté présumée du patient dans d’autres situations post-mortem –, souligne la CCE.
Elle met toutefois en garde contre d’éventuels conflits d’intérêts: la perspective de servir une bonne cause par sa propre mort pourrait en effet renforcer le désir de suicide chez des personnes vulnérables, comme les personnes gravement malades, souffrant de troubles psychiques, les jeunes ou les détenus.
«Le simple fait d’être informé de la possibilité de faire don de ses organes après un suicide pourrait compromettre l’autonomie de la décision d’avoir recours au suicide assisté.»
La pratique du don d’organes après un suicide entraînerait également un changement de l’image professionnelle des médecins et des soignants. La CCE est claire: l’assistance au suicide ne constitue pas une tâche proprement médicale. Sa réalisation ne doit pas devenir une obligation – même indirecte – par la pression sociale ou organisationnelle qui en résulterait.

Des questions de société à clarifier urgemment

La prise de position se conclut par un appel au dialogue: le lien entre assistance au suicide et don d’organes pourrait influencer le degré de confiance envers les hôpitaux et les professionnels de la santé. De même, la discussion doit porter sur les effets d’une pratique associant décisions hautement personnelles et considérations d’utilité.
Conclusion de la CCE: une mise en œuvre du don d’organes après une assistance au suicide semble envisageable en Suisse – mais seulement après une clarification approfondie des aspects juridiques, organisationnels et sociaux.

↓ Télécharger la prise de position de l'ASSM. PDF, 167 KB

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