La carte de l'amincissement: qui mise sur les injections, et qui moins?

Les médicaments destinés à la réduction du poids ont le vent en poupe dans toute la Suisse, mais ne rencontrent pas partout le même succès. Dans le Tessin, ils sont utilisés quatre fois plus souvent que dans le canton d'Appenzell.

, 5 juin 2025 à 09:16
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Utilisation des agonistes du récepteur du GLP-1: variations par canton. Doses journalières DDD pour 1'000 habitants | Graphique: Obsan.
Initialement conçus pour traiter le diabète de type 2, certains médicaments permettant de réguler le poids connaissent un essor considérable en Suisse auprès des personnes obèses non diabétiques. L’Observatoire suisse de la santé (Obsan) s'est penché sur l'usage de ces traitements et publie ses dernières données, notamment à propos des injections amincissantes appartenant à la classe des agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP-1-RA), comme le Wegovy.
Selon les données de l'Obsan, la consommation des injections amincissantes a doublé entre 2023 et 2024, passant de 7 millions de doses journalières définies (DDD) à plus de 16,5 millions. Cet accroissement représente un coût total de 55,9 millions de francs en 2024, contre 27,7 millions de francs l'année précédente.

Du simple au quadruple selon les cantons

Les disparités cantonales et régionales sont frappantes. Wegovy, Ozempic & Co. connaissent la demande la plus forte au Tessin et à Neuchâtel (avec 8,3 à 8,4 DDD standardisés pour 1'000 habitants par jour). À l'inverse, Appenzell Rhodes-Intérieures et les Grisons enregistrent des valeurs comprises entre 2,1 et 2,8 DDD: la consommation par habitant y est donc environ quatre fois inférieure.
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Comment expliquer ces écarts? La carte révèle un certain déséquilibre est-ouest, respectivement une tendance à une utilisation plus importante des coupe-faim dans les régions latines. Par ailleurs, une certaine réticence semble apparaître dans les régions rurales et montagneuses.
Un parallèle culturel avec l'utilisation des antibiotiques ( la Suisse latine ayant également tendance à en consommer davantage) mériterait d'être exploré. De manière générale, une correspondance semble exister avec les coûts de la santé. Ainsi, le Tessin arrive également en tête en matière de dépenses en primes – alors qu'Appenzell Innerrhoden est le moins cher dans ce domaine.
Le pool tarifaire utilisé par l'Obsan pour son analyse ne prend en compte que les prestations facturées aux assureurs dans le cadre de l’assurance de base (AOS). Cela exclut donc les cas où les patients, confrontés à des franchises élevées, choisissent de ne pas transmettre leurs factures. En outre, les données n'incluent pas les médicaments non remboursés comme le Mounjaro (tirzepatide), ni ceux utilisés «off-label», soit hors autorisation de mise sur le marché. Ces biais peuvent, entre autres, contribuer à masquer la réalité de la consommation dans certains cantons.

L'effet Wegovy: un tournant en 2024

La hausse de la consommation est survenue parallèlement à l'autorisation du Wegovy pour la perte de poids et à son remboursement partiel par l’assurance obligatoire des soins depuis le printemps 2024. Selon l’association d’assurance maladie Prioswiss, 43 millions de francs de remboursements ont été enregistrés pour la période allant du 1er mai au 31 octobre 2024.
Un autre résultat semble peu surprenant: les femmes sont bien plus nombreuses à se voir prescrire ces injections pour perdre du poids. Pourtant, selon l’Enquête suisse sur la santé, ce sont les hommes (52%) qui sont les plus touchés par le surpoids ou l’obésité, contre 34% de femmes.
Pour Gabriela Fontana, de l’organisation Allianz Obesitas, interrogée par la radio SRF, cette tendance reflète une pression sociale accrue sur les femmes: «Les femmes sont plus soumises à l’idéal de beauté actuel, sont plus souvent insatisfaites de leur poids et consultent plus volontiers un médecin.»
L'essor des médicaments contre l’obésité en Suisse, notamment celui des injections amincissantes, souligne un double mouvement: une forte demande sociétale et un changement dans les pratiques médicales. Mais il met aussi en lumière des disparités territoriales, de genre et d’accès aux soins qu’il reste à explorer, à l’heure où ces traitements deviennent un enjeu de santé publique – et économique – majeur.
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