Le 10 juillet 2025, le délai référendaire concernant la révision de la LAMal
«Mesures visant à freiner la hausse des coûts, 2e volet» a expiré. La version révisée de la LAMal permettra aux assureurs-maladie d'informer activement et de manière ciblée leurs assurés sur «des prestations plus avantageuses ainsi que sur le choix de formes particulières d’assurance appropriées et sur des mesures de prévention». Pour la première fois, les assureurs-maladie peuvent ainsi formuler à leurs assurés des recommandations spécifiques à une maladie.
Pour le conseiller aux États du Centre, Erich Ettlin, l’art. 56a de la LAMal marque un «changement de paradigme dans cette loi»; pour le conseiller national Andri Silberschmidt, c’est l’occasion d’exploiter enfin, dans l’intérêt des assurés, un «incroyable trésor de données» détenu par les caisses-maladie. Cependant, d’autres sujets ont occupé le devant de la scène dans le discours public autour du deuxième paquet de mesures de maîtrise des coûts, comme l’élargissement du catalogue de prestations des pharmaciens et des sages-femmes, l’accès accéléré au marché pour les médicaments innovants ou la proposition (avortée) d’introduire des réseaux de soins coordonnés comme nouvelle catégorie de fournisseurs de prestations. À juste titre?
Quand soudain, la caisse maladie conseille ses assurés
Imaginez le scénario suivant; votre téléphone sonne:
«Bonjour, je vous appelle de la part de votre caisse maladie. Nous avons analysé vos données de santé et avons pu identifier plusieurs axes d'optimisation. Pouvons-nous vous faire quelques recommandations?»
Vous acceptez, et l'aimable employé démarre aussitôt:
«Vous prenez actuellement le médicament original XY pour votre diabète. Souhaitez-vous passer à un générique moins cher et ayant le même effet?
Par ailleurs, vous venez d’avoir 50 ans, toutes nos félicitations! À partir de cet âge, il est recommandé de réaliser un dépistage régulier du cancer de l’intestin, dont les frais sont pris en charge par l’AOS. Voulez-vous que nous vous inscrivions tout de suite?
D’ailleurs, il existe un réseau de médecins dans votre village. Peut-être qu’un modèle d’assurance alternatif vous conviendrait?»
Ce scénario deviendra réalité après l’entrée en vigueur du deuxième paquet de mesures de maîtrise des coûts: les assureurs-maladie seront désormais autorisés à évaluer systématiquement les données de leurs assurés et, sur la base des résultats, à leur fournir des conseils ciblés et personnalisés. Le contenu de ces conseils est toutefois limité. Les seules informations pouvant être communiquées concernent:
- «des prestations plus avantageuses»;
- «le choix de formes particulières d'assurance appropriées»; et
- «des mesures de prévention».
À première vue, la marge de manœuvre de l’article 56a LAMal, nouvellement créé, semble ainsi étroitement limitée. Toutefois, dans son approche, il marque une rupture avec le principe du simple remboursement par les assureurs, ébranlant l’image traditionnelle du rôle des médecins.
Fabian Altmann est avocat spécialisé dans le domaine de la santé et des sciences de la vie au sein du cabinet Walder Wyss – cabinet présent dans toute la Suisse. Il accompagne ses clients sur les questions de réglementation relevant du droit public économique et aborde plus particulièrement l'organisation juridique des relations entre les différents acteurs du secteur de la santé. Il conseille également ses clients sur les questions complexes de droit public, notamment celles en lien avec le droit des sociétés et le droit privé général.
Compréhension historique du rôle des assureurs-maladie
Selon l’idée de base du législateur, la LAMal reposait sur une stricte répartition des tâches:
- la politique détermine quelles prestations sont (co)financées par l’AOS et à quelles conditions;
- les prestataires de soins traitent les assurés;
- les caisses-maladie contrôlent les factures des prestataires de soins et remboursent les frais engagés.
La conception légale du rôle des assureurs-maladie est donc traditionnellement étroite. Leurs tâches principales consistent à encaisser les primes, négocier les tarifs avec les fournisseurs de prestations, vérifier que les décomptes de prestations sont conformes à la loi et aux conventions tarifaires et rembourser les frais.
Elles agissent ainsi en premier lieu en tant qu’«agents payeurs». La répartition des compétences de la LAMal ne leur permet notamment pas de fournir elles-mêmes des prestations remboursables ni de conseiller concrètement et individuellement leurs assurés dans le cadre de traitements médicaux. Les recommandations relatives à une maladie adressées à des assurés sélectionnés étaient jusqu’à présent exclusivement réservées aux fournisseurs de prestations.
Le traitement des données par les caisses-maladie s’alignait également sur cette répartition des compétences. Organes d’exécution de la Confédération, elles sont soumises au principe de légalité et ne peuvent traiter les données des assurés que dans le cadre de leurs tâches légales principales: calcul et collecte des primes, négociation et application des conventions tarifaires, contrôle des factures présentées et remboursement des frais correspondants.
L'extension légale des tâches des assureurs-maladie en réponse aux asymétries d'information dans le secteur de la santé
Dans le but de surmonter les asymétries d'information dans le système de santé suisse, le législateur s'attaque maintenant à cet ancien principe fondamental de la LAMal. La compréhension légale des tâches des caisses-maladie est considérablement élargie. Désormais, les caisses peuvent elles-mêmes intervenir activement dans le parcours de soins de leurs assurés et fournir des conseils en matière relevant du domaine médical.
Avec l’art. 56a LAMal, il devient même une tâche légale des assureurs-maladie d’informer leurs assurés de l’AOS de manière ciblée sur les mesures préventives, les modèles d’assurance appropriés et les prestations plus avantageuses. Les caisses-maladie sont donc tenues d’exploiter les données (de santé) de leurs assurés non seulement pour les conseiller (art. 84, al. 1, let. j LAMal), mais aussi pour remplir leur obligation légale de conseil.
Comme ce traitement des données repose sur une base légale formelle, le consentement préalable des assurés n’est pas nécessaire. L’art. 56a, al. 2 de la LAMal prévoit uniquement un mécanisme d’opt-out: les caisses-maladie doivent informer leurs assurés de leur droit d’opposition lors du premier contact. En outre, les assurés peuvent demander à tout moment que la caisse-maladie cesse de les conseiller.
Conclusion et perspectives
L’extension des tâches légales des caisses-maladie n’est pas le fruit d’une proposition du Conseil fédéral mais a été introduite par la CSSS du Conseil national. C’est pourquoi on ne trouve guère d’explications dans les documents officiels. Seuls le classement systématique de l’art. 56a dans la section 6 de la LAMal (contrôle du caractère économique et de la qualité des prestations) ainsi que les débats parlementaires fournissent des éléments d’interprétation.
Il ressort de ces débats que les caisses pourront à l’avenir informer par exemple sur les médicaments génériques moins chers, les réseaux de médecins dans la région de l’assuré ou les examens de contrôle à venir en cas de maladie chronique. De nombreux points restent toutefois flous et sujets à interprétation:
- Que faut-il entendre exactement par «prestations plus avantageuses»? S'agit-il en premier lieu d'une référence aux génériques, ou peut-on également recommander des méthodes de traitement «moins coûteuses» ou même des prestataires «moins onéreux»?
- La notion de «mesures préventives» n'est pas non plus claire. S'agit-il des prestations de prévention régies par l'art. 26 LAMal, dont les coûts sont pris en charge par l'assurance obligatoire des soins (AOS)? Ou englobe-t-elle également les mesures de prévention tertiaire en cas de maladies déjà diagnostiquées, par exemple pour éviter les complications, les rechutes ou les séquelles, et optimiser les soins à long terme?
Une chose est sûre: avec l’article 56a LAMal, le législateur est venu partiellement renforcer le rôle de l’assureur-maladie, qui se limitait jusqu’alors à celui de «payeur». Reste à savoir comment les assureurs-maladie utiliseront ce nouvel outil et où les autorités de surveillance et la jurisprudence fixeront les limites. Les premiers cas pratiques et les éventuels recours permettront de déterminer si l’article 56a LAMal marque effectivement le début d’un changement de paradigme ou si la répartition traditionnelle des rôles sera maintenue. Dans tous les cas, le changement de paradigme a été introduit dans le cadre du deuxième paquet de mesures de maîtrise des coûts. La capacité des assureurs-maladie à maîtriser les coûts constituera probablement le critère principal d’évaluation.
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